Trophées de l'édition 2025

Maud Simonnot ouvre des portes au Seuil [1/5]

Maud Simonnot - Photo Olivier Dion

Maud Simonnot ouvre des portes au Seuil [1/5]

Trophée de l'éditeur ou éditrice de l'année [1/5]. Cette semaine, Livres Hebdo présente chaque jour un des nommés pour les Trophées de l’édition 2025 dans la catégorie éditeur ou éditrice de l’année. Aujourd'hui, Maud Simonnot qui a rejoint le Seuil en 2023 où elle imprime progressivement sa touche personnelle.

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Par Éric Dupuy
Créé le 02.02.2025 à 12h30

Arrivée au Seuil en septembre 2023 après un parcours déjà riche et varié, Maud Simonnot continue d'incarner une vision exigeante et humaniste de l'édition. Éditrice de littérature générale, elle se distingue par son attachement à la dimension collective du métier et sa capacité à s’adapter à un environnement qui évolue sensiblement.

« Je viens de province, très loin de Saint-Germain-des-Prés, » confie-t-elle avec simplicité, comme pour rappeler que son chemin, pavé de travail et de passion, n’avait rien d’évident. Cette trajectoire, mêlant curiosité et détermination, l’a conduite à éditer des écrivains reconnus tout en développant un réseau solide parmi les libraires, journalistes et auteurs. Née en 1979 et titulaire d'un doctorat en littérature et d'un master d'édition, Maud Simonnot est passée par le Mercure de France et Flammarion. En 2012, elle rejoint ensuite les éditions Gallimard comme éditrice pour la collection « Blanche » avant de prendre en 2022 la direction de la revue NRF.

Contexte déroutant

Pour la quadragénaire comme pour beaucoup, l’édition n’est pas seulement un métier, mais une vocation. « J’ai toujours adoré lire et, aujourd’hui encore, je me considère comme une privilégiée : je passe mes journées entourée de livres et d’auteurs passionnants. » Arrivée au Seuil, Maud Simonnot a dû rapidement s’intégrer à une maison au fonctionnement bien rodé, tout en imprimant sa marque.

Avec la rentrée littéraire 2024 comme baptême du feu, l'éditrice a connu un contexte déroutant quelques mois à peine après le départ au mois de juin du patron Hugues Jallon qui l’avait recruté.  Elle a néanmoins orchestré la publication de 16 titres en propre, s’immergeant dans des processus parfois différents de ses expériences précédentes. « Le Seuil a une organisation très collégiale, souligne-t-elle. C’est un luxe et une force, mais cela demande aussi une capacité d’adaptation : nous débattons beaucoup pour affiner nos choix, ce qui est essentiel pour rester pertinent. »

Dénicheuse de talents

Malgré un profil qui aurait pu la diriger vers des structures plus petites et confidentielles, elle a toujours préféré les grandes maisons. « J’adore travailler en équipe, échanger au quotidien sur les livres avec des collègues de tous les services. Ce fourmillement me nourrit. Je trouve que les comités de lecture, souvent perçus comme contraignants, sont des moments incroyablement enrichissants. »

Dans la maison du groupe Média-Participations, elle s’attache donc à apporter sa touche de dénicheuse de talents. Dès la rentrée d’automne 2024, elle a édité L’Extase, premier roman de la jeune Monia Aljalis, puis en janvier 2025 le deuxième roman du pas encore trentenaire Corentin Durand, Sarabandes X, transfuge de Gallimard.    

La bourguignonne porte un regard lucide sur les enjeux contemporains de l’édition, tout en revendiquant une approche fidèle à ses valeurs : défendre des textes exigeants et accompagner les auteurs avec bienveillance, en équipe. « Dans une grande maison, les relations avec les équipes sont tentaculaires. Cela peut paraître intimidant, mais c’est précisément ce que j’aime. »

Au Seuil, elle pilote une vingtaine de collaborateurs de manière régulière et dirige le comité de lecture, composé d’une dizaine de personnes, souvent des auteurs de la maison. « Cette diversité de regards, ces échanges nourris autour des textes, c’est ce qui permet d’affiner nos choix éditoriaux et de les porter avec conviction. »

Une collection, un défi personnel

L’année 2025 marque une étape importante dans son parcours avec la création de sa première collection, « Le Bar de la Sirène ». Cette nouvelle offre, qui comptera quatre à cinq livres par an, sera composée de textes très courts, accompagnés d’éléments visuels variés, comme des dessins ou des créations hybrides mêlant poésie et illustration. « L’idée est de laisser libre cours à l’imagination des auteurs, selon leurs envies », s’enthousiasme l’éditrice.

L'initiative lui permet de renouer avec ses premières amours : le travail sur la matérialité du livre. « Pour cette collection, nous avons pensé ensemble la maquette avec le service artistique et la fabrication. Après avoir longtemps travaillé dans des collections blanches très sobres, je découvre la joie d’explorer le papier, les formats, les visuels… C’est un vrai retour aux sources. »

La littérature comme gymnastique intellectuelle

Maud Simonnot porte un regard lucide et enthousiaste sur les évolutions de son métier. « Il y a eu une époque où les grandes maisons étaient dirigées presque exclusivement par des écrivains ou des éditeurs issus du monde des lettres. Aujourd’hui, on voit davantage de profils issus d’écoles de commerce, notamment pour les fonctions de direction. Cette mixité des approches est bénéfique. Elle nous pousse à explorer de nouvelles formes de valorisation des livres, notamment dans le digital. »

Pour autant, elle reste attachée à une certaine éthique de l’édition : défendre des textes exigeants tout en s’adaptant aux réalités du marché. « Nous évoluons dans un milieu qui n’est ni le plus lucratif ni le plus tape-à-l’œil, mais il reste profondément stimulant intellectuellement. C’est un métier où l’on ne s’ennuie jamais. »

Malgré deux décennies dans le secteur, Maud Simonnot conserve intact son enthousiasme pour son métier. « Quand je fais une pause et que je prends du recul, je me rends compte que j’aime toujours autant ce que je fais. Après tout ce temps, c’est une vraie chance. »

Des ambitions pour demain

Pour l’avenir, Maud Simonnot souhaite continuer à explorer de nouvelles voies avec « Le Bar de la Sirène » et renforcer l’identité littéraire du Seuil. « Ce qui compte, c’est de garder cette capacité à innover, tout en restant fidèle à notre mission première : accompagner des auteurs et porter des textes qui comptent. »

Et bien sûr, ceci n’est qu’un aperçu du parcours de Maud Simonnot, également romancière à ces heures gagnées : autrice de trois romans parus chez Gallimard, et à l'Observatoire, elle a aussi réalisé deux anthologies au Mercure de France.

 

 

L'Éditeur ou l'Éditrice de l'année 2025

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