Béziers, Strasbourg, Tourcoing, Lisieux et d'autres... de nombreux établissements récents portent le nom d'André Malraux. Bien sûr c'est un écrivain et il est légitime de lui rendre hommage. Il se trouve que Malraux a aussi initié une politique culturelle dont les résultats sont symboliques plus que réels... Que des médiathèques portent son nom laisse songeur sur le renouvellement des politiques culturelles. La générosité de cette politique n'est pas à remettre en question. Proposer les grandes oeuvres du patrimoine de l'humanité au plus grand nombre, qui pourrait s'y opposer ? Mais on ne peut réduire une politique aux intentions fussent-elles généreuses. La démocratisation culturelle a été faible et doit beaucoup à la démocratisation scolaire... L'expérience a montré que les grandes oeuvres n'ont pas la faculté par elles-même d'attirer les publics qui en seraient socialement éloignées. L'universalité de l'art est postulée plus que vérifiée. Plutôt que de tirer les conséquences de cette expérience, tout semble comme s'il fallait sauver la théorie contre la réalité ! C'est au nom de Malraux que les prescripteurs culturels peuvent continuer à exercer leur pouvoir et les publics pas seulement populaires à regarder avec étonnement la « comédie de la culture » ! Comment ne pas voir le décalage avec nos concitoyens tels qu'ils sont réellement ? Ils entendent choisir eux-mêmes leurs références. Cela n'exclut pas le point de vue des institutions mais ils ne sauraient s'y soumettre totalement et préfèrent se fier aux conseils de leurs pairs. Ils entendent conserver leur libre-arbitre et prennent l'avis des publics autorisés ou prescripteurs comme une voix parmi d'autres. Malraux rappelle une époque où chacun était à sa place où la hiérarchie entre le public et les professionnels était légitime. C'est ce monde qui se défait et c'est avec sa nostalgie qu'il faudrait aborder l'avenir ?! Comment les bibliothèques peuvent-elles se refonder en conservant cet univers de références ? Qu'on le veuille ou non, Malraux est mort, il va falloir finir par l'accepter, non ?
15.10 2013

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