Tribune

“A tous les clients qui ont acheté La fille de nulle part de Fredric Brown (et ils sont nombreux).

A tous les clients qui ont acheté La couleur inconnue de Jacques Gélat (ils le sont moins).

Au client génial qui voulait mon avis sur 1Q84, qui est finalement reparti avec L’arc-en-ciel de la gravité.

A ma cliente récurrente qui ne lit qu’en grand format et prenait tout ce que je lui conseillais.

Au client polar du vendredi soir qui revenait le samedi s’il ne m’avait pas vue la veille.

Au client pour lequel c’était un vrai challenge de trouver un bon roman policier/noir qu’il ne connaissait pas et dont la dernière acquisition devait être Voleurs de Christopher Cook.

A toutes ces fois magiques où j’ai entendu « il paraît que vous pouvez me conseiller en littérature japonaise » durant lesquelles le temps s’est ralenti et j’ai connu le sens du mot divin.

Au client qui voulait savoir si Sans nouvelles de Gurb existe en bilingue, qui est finalement parti avec un Pete Dexter et un James Sallis.

A tous les ados m’adorant parce que j’ai trouvé le dernier exemplaire de L’avare de Molière en Larousse classique, coincé derrière une étagère en réserve, et ai ainsi dû les sauver d’une mort certaine.

A la vieille dame au chien qui a acheté Salomé de Wilde en plusieurs exemplaires.

Au client qui est venu acheter tout Aki Shimazaki pour faire une surprise à sa femme et a pris des titres d’Akira Yoshimura en plus.

Au client qui a pris Pulp de Bukowski en grand format car il savait qu’il le trouverait ici.

Au client qui est fan du Gang de la clef à molette mais pas de la suite et qui m’en reparlait souvent.

A la cliente du dimanche qui achetait mes coups de cœur quand je n’étais pas là pour la conseiller et qui est devenue une amie.

A tous les gens qui m’ont dit que mon badge « Je lis Proust et j’assume ! » était cool.

A tous ceux qui m’ont demandé si je lisais vraiment du Proust.

A tous les gens qui m’ont demandé, impressionnés, comment je faisais pour savoir où sont rangés les livres.

A tous les auteurs et éditeurs qui sont passés me remercier de soutenir leur(s) livre(s).

A tous les représentants avec lesquels on a débordé pour parler de tout sauf des nouveautés.

A tous les gens qui ont passé des heures de lecture assis dans les escaliers, par terre, sur nos pieds d’éléphant, qui n’ont jamais rien acheté, ont laissé des piles de livres partout et contre lesquels on a pesté, mais à qui finalement on n’en veut pas (comment reprocher de se sentir bien au milieu des livres ?).

A tous mes collègues qui ont fait que le Virgin des Champs c’est une tonne de souvenirs extraordinaires.

A tous ceux que j’oublie…

Merci. Ces moments ont été merveilleux parce que ce sont des échanges entre personnes. Ils n’existeront pas derrière un écran d’ordinateur.

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