Né en 1949 dans une famille de la classe moyenne, Richard Russo vient de Gloversville dans le nord de l’Etat de New York, à quelques kilomètres au nord des Adirondacks. Une ville, naguère connue pour sa production de gants, qui a sombré « de la même manière que Mike Campbell annonce sa faillite dans Le soleil se lève aussi de Hemingway : “petit à petit, puis brutalement? ».
Les parents du petit Richard se sont vite séparés. Son père, qui avait combattu en France et en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, était un passionné de jeu. Avec sa mère et ses grands-parents maternels, le futur écrivain habitait une modeste maison dans Helwig Street, ainsi qu’il le raconte dans Ailleurs, le récit que propose Quai Voltaire à la rentrée.
Russo y conte une « histoire de croisements : entre des lieux et des moments, le privé et le public, des destins liés et des attachements défectueux ». La figure centrale du livre est Jean, sa mère, morte en été et dont il a dispersé les cendres sur l’île de Martha’s Vineyard. Une femme que son rejeton montre soucieuse de son indépendance durement acquise, très attachée à son apparence.
Employée chez General Electric à Schenectady, sa mère était sujette à des crises d’angoisse et se soignait aux barbituriques ou au valium. Elle était libre, mais pas tout à fait, avec un fils à la patte. Ce « Ricko Mio » qui allait la conduire à Phoenix pour un travail, dans l’Ouest, où elle devait se casser le nez, alors que son jeune chauffeur s’apprêtait quant à lui à entrer à l’université.
Comme toujours, l’auteur du Déclin de l’empire Whiting (Quai Voltaire, 2002, repris en 10/18) et de Mohawk (Quai Voltaire, 2011, repris en 10/18) frappe ici par sa simplicité et son empathie, sa manière de trouver la bonne distance et le ton juste. De toucher le lecteur lorsqu’il croque sa génitrice apprenant à conduire sur le tard - non sans endommager quelques cactus -, tombant amoureuse d’un homme qui « ressemblait à Sam Shepard et [qui] était à peu près aussi laconique », en épousant brièvement un autre plus jeune qu’elle, ou se débattant inlassablement avec ses démons. Al. F.