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Mickaël Brun-Arnaud : « Mes expériences ont naturellement nourri mes histoires »

Avant d'être auteur jeunesse, Mickaël Brun-Arnaud a été psychologue et libraire. Il a également écrit le roman "Les vallées closes" (Robert Laffont). - Photo Ecole des loisirs

Mickaël Brun-Arnaud : « Mes expériences ont naturellement nourri mes histoires »

Vendue à plus de 200 000 exemplaires, l’œuvre de Mickaël Brun-Arnaud, Les Mémoires de la forêt, touche à sa fin. À l’occasion de la parution le 16 octobre de son quatrième et dernier tome, La saison des adieux, Livres Hebdo est revenu sur le succès de la série avec son auteur.

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Par Élodie Carreira
Créé le 22.10.2024 à 16h50

Livres Hebdo : Comment la série Les Mémoires de la forêt est-elle née ?

Mickaël Brun-Arnaud : Le premier titre, Les souvenirs de Ferdinand Taupe, est paru en 2022, mais je l’ai pensé et écrit pendant le confinement. J’avais alors pour ambition de mêler mes deux métiers. J’ai d’abord été psychologue pendant neuf ans avant d’ouvrir, en 2018, ma propre librairie, Le Renard Doré, dans le Vᵉ arrondissement de Paris. À ce moment-là, je fantasmais sur l’idée de posséder mon propre commerce, comme un moyen d’expression à travers le contenu des rayons et le contact avec la clientèle. Mais quand est venu le confinement, je me suis mis à l’écriture avec l’envie de créer un refuge littéraire, d’abord pour moi, et une sorte de recueil d’expériences qui parlent aux gens. Je ne suis pas un grand théoricien, mais j’ai moi-même beaucoup appris grâce aux histoires, notamment avec des magazines comme Picsou ou le Journal de Mickey que je lisais beaucoup enfant.

Mémoires de la forêt
Le dernier tome de Mémoires de la forêt a lieu 25 ans après le précédent. La librairie de Bellécorce est alors menacée de disparition à cause d'un champignon. - Photo ECOLE DES LOISIRS

À quel point votre expérience passée a-t-elle inspiré les différentes intrigues de cette série ?

Pendant neuf ans, j’ai accompagné des personnes atteintes de maladies neuro-évolutives comme l’Alzheimer. J’ai ensuite traversé une situation familiale qui m’a amené à doublement endosser le rôle d’aidant. Je crois que j’ai toujours su que j’étais destiné à des métiers sociaux. Plus tard, la librairie m’est apparue comme un moyen d’accompagner les gens dans des moments de joie. Ces expériences ont naturellement nourri mes histoires. Je voulais appréhender, grâce à la narration, les personnes en situation d’oubli, mais aussi les aidants familiaux. Dans mon premier tome, Les souvenirs de Ferdinand Taupe, j’ai tâché de diversifier les chapitres. Il fallait que les lecteurs soient dans la tête d’une personne malade. Qu’ils découvrent que la maladie peut créer des situations très angoissantes, mais aussi des moments de lumière, lorsque des souvenirs agréables sont convoqués. Ma série n’est pas forcément un guide des bonnes pratiques, mais je crois qu’elle propose d’apporter les réponses les moins pires à la maladie.

« Je fais partie d’une génération de passeurs »

Dans vos ouvrages, vous parlez en effet de mémoire, de souvenirs, mais aussi de secrets familiaux et de transmission. Des thématiques fortes, sensibles et parfois douloureuses. Comment les avez-vous amenées à un public jeunesse ?

Mon processus d’écriture a consisté, je crois, en la transformation progressive des émotions de mon lectorat, avec des histoires qui cherchent avant tout à susciter l’empathie. Lorsqu’il y a incompréhension, je crois qu’il faut s’arrêter et écouter. Il arrive toujours un moment où notre histoire entre en résonance avec celle des autres. Pour parler de ces sujets à hauteur d’enfant, il faut faire jouer les mécanismes narratifs et créer des éléments de surprise. J’aurais pu déployer une émotion brute, mais je suis davantage dans la construction. J’avais besoin de faire passer mon message sans injonction, à travers le récit. Je crois que je fais partie d’une génération de passeurs, chargée de rabibocher les anciens et les nouveaux. Le monde change très vite et l’intolérance est une mauvaise habitude. Aujourd’hui, il y a des choses qui ont besoin d’être ressenties pour être comprises.

Mémoires de la forêt
Les livres de "Mémoires de la forêt" traitent de relations, de transmission, d'oubli et de mémoire.- Photo ECOLE DES LOISIRS

Le premier tome de la série s’est écoulé à près de 100 000 exemplaires. Ceux qui ont suivi n’ont pas échappé à ce succès. Comment avez-vous vécu l’excellente réception du public ?

Dans les premiers jours de la sortie du premier livre, j’étais terrifié. Il n’avait été lu par aucun enfant, ce à quoi je ne m’étais pas préparé. À l’époque, je lisais assez peu de littérature jeunesse. Je crois que j’y suis allé un peu naïvement. Un jour, la fille de la chargée des relations avec les librairies à l’École des loisirs est tombée malade et elle a dévoré le titre en une demi-journée ! Pour elle, l’histoire était d’abord celle d’un grand amour, puisque le personnage de M. Taupe est très marqué par les souvenirs de sa femme. J’ai alors compris que j’avais réussi, derrière un sujet douloureux, à écrire une véritable aventure. Les enfants parcourent un livre avec leurs propres ressources. Ils vont en retirer des choses différentes des adultes, pour qui l’émotion peut être plus brutale.

« Je sais que l'École des loisirs continuera d'accompagner l'univers de la série »

Comment avez-vous travaillé avec L'École des loisirs, mais aussi avec Sanoe, qui a illustré l’intégralité de la série ?

En 2022, je me suis laissé un an pour essayer de démarrer ma carrière. J’ai enchaîné une centaine de dates de dédicaces et j’ai beaucoup promu mon titre sur les réseaux sociaux. J’ai aussi eu le luxe d’être porté par la librairie Renard Doré et par son extension, Le Renard Café que j’ai ouvert fin 2021. J’ai aussi été très bien accompagné par mon éditeur, Loïc Théret. Concernant Sanoe, je l’avais rencontrée à la librairie, où elle était en dédicace en septembre 2021. Je lui ai partagé le scénario du premier tome 15 jours avant mon rendez-vous avec l’École des loisirs. Au bout de trois chapitres, elle a commencé à griffonner des croquis. Elle a mené un important travail d’interprétation, mais je n’interfère jamais dans son processus. Elle a sa créativité, ses références, un côté un peu Beatrix Potter. Finalement, j’ai eu beaucoup de chance. L’École des loisirs est un éditeur fantastique. J’étais un primo-romancier qui débarquait avec une illustratrice, elle aussi, extérieure à la maison, et un petit projet qui a été totalement adopté par la direction. Je sais que la maison continuera d’accompagner cet univers. Elle l’a déjà fait en adaptant Les Mémoires de la forêt avec une série audio en six épisodes, ponctuée de chansons.

Avec la fin des Mémoires de la forêt, une page se tourne. Avez-vous d’autres projets en tête ?

Celui-là a déjà bouleversé nos vies ! J’éprouve une grande nostalgie pour mes petits héros qui vont désormais vivre autrement, dans les mains du public. Dans mon dernier tome, je développe d’ailleurs une forme de résilience avec l’idée que perdre quelque chose, c’est faire de la place pour de nouveaux horizons, d’autres souvenirs. Mais avant de clôturer ce chapitre, j’ai une quarantaine de dédicaces prévues jusqu'à fin décembre et une bande dessinée adaptée paraîtra chez Rue de Sèvres, au premier semestre 2026. Ensuite, je vais probablement m’enfermer, façon ermite. J’ai deux autres histoires en tête, avec des univers plus sombres. L’École des loisirs les a acceptées toutes deux. Je n’ai plus qu’à choisir !

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