Lors de sa dernière venue en France, en 2018, pour la sortie de La ville au milieu des eaux (Actes Sud), un beau recueil de nouvelles amazoniennes, Milton Hatoum nous avait annoncé que son prochain roman, auquel il travaillait déjà, se situerait à Paris. L'écrivain, Brésilien né en 1952 à Manaus dans une famille d'origine libanaise, nourrit une relation privilégiée avec notre pays : il y a vécu, en exil, pendant la dictature des militaires qui ont opprimé le Brésil de 1964 à 1985. La nuit de l'attente, qui paraît donc aujourd'hui en France, premier volume d'une trilogie intitulée Le lieu le plus sombre, tient sa promesse, mais à sa façon !
En effet, le livre, qui se présente comme un journal en désordre, commence bien à Paris, en 1977. C'est là que vit le narrateur, Martim, de petits boulots (cours particuliers de portugais, manche dans le métro) qui lui permettent tout juste de se payer une mansarde à Aubervilliers. Puis, grâce à une copine, il peut s'offrir, pour 400 F, un studio rue d'Aligre pas encore gentrifiée. Martim, originaire de São Paolo, a fui le Brésil à cause de la répression des militaires. En 1979, il participe à l'aventure du journal du Cercle latino-américain de résistance. Et c'est tout pour sa vie parisienne.
Car le journal qu'il tient ne traite en fait que des années précédentes, de sa jeunesse, dix ans auparavant. En 1967, sa mère Lina, professeur de français, quitte son père Rodolfo, ingénieur polytechnicien qui travaille pour le gouvernement, pour Dan, un artiste peintre. Le mari, autoritaire, bigot, fervent de la dictature, décide de migrer à Brasília avec son fils. À leur arrivée, la capitale est en effervescence : les étudiants s'opposent au régime, organisent des grèves, des manifestations, voire des émeutes. Mai 68 ne fera qu'amplifier le mouvement. Après quoi, les militaires feront régner sur le pays la terreur la plus féroce, avec censure, persécutions des opposants, arrestations arbitraires, assassinats. Martim qui, avec une bande d'amis (Dinah, son amoureuse, Fabius, fils d'ambassadeur déchu, Nord, trafiquant de shit...) participe à une troupe de théâtre amateur et à la revue Tribo (Tribu), considérée comme subversive, s'en tirera de justesse.
En décembre 1972, les rapports avec son père étant devenus exécrables, il fuit Brasília pour São Paolo. Y retrouvera-t-il sa mère, qu'il n'a pas revue depuis cinq ans, et comment finira-t-il par arriver à Paris : réponses dans le tome II ?
La nuit de l'attente Traduit du portugais (Brésil) par Michel Riaudel
Actes Sud
Tirage: 2 500 ex.
Prix: 22 € ; 256 p.
ISBN: 9782330155926