Amazon, c'est la zone !
par Frédéric et Jean-Pierre Delbert, librairie Martin-Delbert à Agen
"Depuis quelque temps, nous sommes soumis à une communication très forte de l'enseigne Amazon, largement relayée par les médias. Amazon serait l'enseigne préférée des Français, créerait des milliers d'emplois quand elle implante une plateforme logistique, récupérant ainsi une image positive, les élus locaux déroulent le tapis rouge, etc. Il est temps de dénoncer ce qui est une véritable imposture et de dire à nos consommateurs de livres : n'achetez surtout pas chez Amazon mais chez votre libraire ! Et vous y gagnerez énormément ! En effet :
1 - Le prix. Les livres chez Amazon sont au même prix que chez votre libraire.
2 - Le nombre de références. Votre libraire a accès au même nombre de références et a la même base de données de l'édition française que celle utilisée par Amazon.
3 - Les délais. Votre libraire vous procure votre livre immédiatement s'il l'a en stock, et sous deux à quatre jours s'il doit le commander.
4 - L'écologie. Votre libraire reçoit les livres par palette de 400 kg, soit environ 1 000 ouvrages tous formats confondus, ce qui est bien plus écologique que d'envoyer 1 000 colis par pack poste.
5 - La suppression d'emplois. Toute création d'emploi chez Amazon supprime quasi mécaniquement 1,5 à 2 emplois chez votre libraire, mais ceux-là, on n'en parle pas : c'est la petite librairie qui ferme, discrètement et sans tapage ou qui licencie progressivement... et il est politiquement plus porteur pour un élu local ou un ministre d'annoncer la création de 1 000 emplois d'un coup que la suppression connexe de 2 000 libraires.
6 - La délocalisation économique et l'aberration des subventions des collectivités locales. Toute commande effectuée sur le site de ce cybermarchand diminue indirectement la recette fiscale locale, donc augmente vos impôts locaux et diminue également la recette fiscale du pays puisque cette société, dont le siège européen est basé au Luxembourg, paie une part infime de l'impôt sur ses bénéfices en France, grâce à une optimisation fiscale extrêmement sophistiquée. Et pourtant, [...] l'implantation du dernier site d'Amazon à Chalon-sur-Saône en France est subventionnée par nos élus locaux à des niveaux stupéfiants : 4 500 euros par emploi créé [...] et cela avec vos impôts. Cherchez l'erreur...
7 - La survie de votre centre-ville. [...] Votre libraire est au centre-ville et en est un des animateurs vitaux avec des libraires en chair et en os pour vous conseiller et vous accueillir. C'est autre chose qu'un entrepôt logistique avec lequel vous dialoguez par écran interposé.
8 - Etes-vous vraiment un hypercapitaliste ? Amazon, c'est 48 milliards de dollars de chiffre d'affaires. Avez-vous vraiment envie d'apporter votre obole à ce géant qui essaie par tous les moyens de vous lier à son business (tablette numérique non ouverte, déréférencement des éditeurs qui n'accepteraient pas leurs conditions, etc.) et qui de plus se comporte en spécialiste de l'évasion fiscale légale et organisée ?"
Pour une concurrence loyale
par le Syndicat des distributeurs de loisirs culturels (SDLC)
"Nous [...] sommes révoltés par ce discours parfaitement contradictoire des pouvoirs publics. Ces subventions, payées par le contribuable, ont vocation à procurer à cette entreprise un réel avantage sur ses concurrents en ligne pour la vente de produits culturels.
Or, loin de constituer un modèle vertueux, c'est bien la conjonction du bénéfice de schémas d'optimisation fiscale mis en place par certains Etats membres de l'Union européenne, d'une part, et de la pratique du dumping sur les prix des produits vendus, d'autre part, qui a constitué la puissance d'un tel groupe en Europe. Comment peut-on raisonnablement financer la création d'emplois sur fonds publics d'une entreprise qui ne paie pas ses impôts en France ?
Nos entreprises réclament depuis des années l'établissement d'une concurrence loyale entre les opérateurs de vente en ligne et les détaillants multicanaux. En effet, nous employons des milliers de collaborateurs, nos magasins sont présents sur l'ensemble du territoire, nous finançons sur nos fonds propres des plateformes de vente de contenus culturels en ligne et nous payons nos impôts en France. Accessoirement, les enseignes du SDLC ne bénéficient d'aucun mécanisme d'optimisation fiscale, ni de subventions publiques. Subventionner Amazon, c'est mettre en péril les nombreux emplois de nos magasins et de nos entrepôts.
Voilà pourquoi nous considérons qu'il est plus que temps pour le gouvernement français et les collectivités locales de prendre conscience des enjeux du commerce numérique, comme de la réalité du modèle d'affaire de certains "pure players" de l'Internet, et de les soumettre à un cadre de concurrence équitable qui favorise le développement harmonieux et pérenne du commerce en ligne en France."