En attendant le téléfilm, dans quelques mois sur Canal + avec Samuel Benchetrit dans le rôle de Pierre Goldman, Emmanuel Moynot livre une enquête saisissante sur la dernière décennie de l'intellectuel d'extrême gauche et braqueur, assassiné le 20 septembre 1979 place de l'Abbé-Georges-Hennocque, à Paris (13e). Le meurtre de l'auteur des Souvenirs obscurs d'un Juif polonais né en France avait été revendiqué par une mystérieuse organisation, "Honneur et police". L'enquête orientée par la police dans les milieux de la pègre est restée vaine. Le dessinateur n'y apporte pas d'éléments nouveaux, mais il reconstitue minutieusement la trajectoire de Pierre Goldman, que la police et l'extrême droite se sont acharnées à accuser d'un triple meurtre lors du braquage d'une pharmacie du boulevard Richard-Lenoir, dont il a finalement été totalement innocenté.

La force de l'album d'Emmanuel Moynot tient à l'alternance d'une reconstitution des événements à la première personne, précise et belle, quasiment dans la tête de Pierre Goldman, et d'entretiens fouillés de témoins et de proches (Marianne Merleau-Ponty et Tiennot Grumbach, l'avocat Georges Kiejman, le journaliste Marc Kravetz...), réalisés ces derniers mois par le dessinateur. A travers la personnalité de Pierre Goldman, les années 1960-1970 ressurgissent dans toutes leurs ambivalences.