Avant-critique Roman

Avancer, vaille que vaille. « Le passé est un manuscrit auquel on ne peut plus rien changer. » Mais il peut quand même nous influencer et ressurgir à tout instant... « Dès l'enfance, Mona a eu la sensation que vivre était un effort. » Elle a alors voulu cadrer son existence. Programmatrice informatique, épouse et maman, elle pensait tout maîtriser jusqu'à l'effondrement : un souci de santé suivi d'un licenciement injuste, le départ de son mari et la perte de la garde de sa petite fille. « Deux ans d'une dégringolade pathétique, dont elle ne parvient pas encore à sourire. » Il faut dire que l'héroïne a hérité d'une « enveloppe de mélancolie. Sa joie, sa vitalité s'éteignaient. Son inactivité lui pesait ». Et va entraîner le « départ d'une enfant de presque 40 ans, qui reprend son envol ». Pas évident de s'installer dans un petit studio de la cité Kennedy qui n'a rien de glamour. La protagoniste y découvre une surprise dans les marches de l'escalier : un manuscrit écrit par un jeune homme vingt ans auparavant. L'a-t-il oublié ou volontairement enfoui ? Mona se prend au jeu en le lisant. Non seulement il lui renvoie comme un reflet, mais en plus, il parle « d'amour, de philosophie, de trucs bizarres, d'audaces, de réclusion, d'amour encore ». On y suit Jonas, renfermé et désillusionné après ses études. Seule sa voisine, Suzie-Marie, éveille quelque chose de neuf en lui. « Qu'est-ce que l'amour ? Est-ce désirer ? » Ce qui attire Mona chez Jonas, « c'est qu'il est comme elle ; dans la marge du cahier. Il arpente les périphéries ». Comme tous les personnages de papier, de théâtre et de cinéma imaginés par Murielle Magellan. L'autrice a une façon bien à elle de pointer cette société qui jette les individus comme des Kleenex. « La fantaisie » lui sied bien, tant elle en insuffle toujours dans ses intrigues. Y compris ici, lorsque Mona décide de retrouver l'auteur de ce livre oublié, Philippe Sandre-Lévy. Cet homme réservé, atypique, tranche avec celui qui se met à nu dans le manuscrit qu'elle refuse de lui rendre. « Il n'aime pas la joie. Mais il ne dresse pas non plus un autel au désespoir. » Leur rencontre est digne d'un tableau de Hopper. Soit deux solitudes tentant vaille que vaille d'avancer. Dans ce joli conte, « c'est la vie qui tourbillonne, se soulève et virevolte ».

Murielle Magellan
La fantaisie
Mialet-Barrault
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 20 € ; 260 p.
ISBN: 9782080292773

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