Tout commence par un article. Libération appelle pour commander une chronique à une écrivaine prénommée Emmanuelle. Sur quoi voudrait-elle écrire ? Elle ne sait pas, hésite ; le soir venu, le quotidien rappelle, les OGM !, lâche la narratrice de Chimère d'Emmanuelle Pireyre. Elle n'y connaît pas grand-chose. Et de s'embarquer dans une enquête. La voici de l'autre côté de la Manche, à Newcastle, où elle rend visite à une biologiste spécialisée ès manipulations génétiques. Le meilleur des mondes, 1984... La réalité a depuis belle lurette dépassé la fiction. On est face à des croisements d'ADN entre l'humain et l'animal, « des centaines d'embryons chimériques homme-chien, homme-vache ou homme-porc sous prétexte de pouvoir guérir des maladies grâce aux précieuses cellules souches qu'ils fourniraient ».

L'héroïne du nouveau roman de l'auteure deFéerie générale(L'Olivier, prix Médicis 2012) troque l'utopie scientifique contre l'utopie sociale. En vérité, c'est un peu des deux mélangés. De l'intelligence artificielle au transgenre, en passant par les nanotechnologies, l'Europe organise des panels. De fil en aiguille, l'investigatrice se retrouve dans le Morvan au milieu des participants : une Manouche altruiste et illuminée, une psy en hidjab, un entrepreneur un peu raide, une candidate de « Koh-Lanta », un employé d'Amazon...il s'agit de réfléchir aux questions de fond d'aujourd'hui. A la France incombe le devoir de traiter le thème du Temps libre. Emmanuelle Pireyre transforme cette conférence de citoyens en véritable incubateur de fictions, nous entraînant dans les vies et les têtes des panélistes, et accouche d'une jolie réflexion poético-burlesque sur nos mutations contemporaines.