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Naruto le macaque, Gumpy cat, les emojis et la propriété intellectuelle

Naruto le macaque, Gumpy cat, les emojis et la propriété intellectuelle

Côté propriété intellectuelle Internet est un terreau de droits foisonnants, inédits, inventifs et… parfois acrobatiques.

Créée en 1967, l’OMPI, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle[1], a pour missions, comme le stipule son site web[2], de « promouvoir l’élaboration d’un système international de propriété intellectuelle équilibré et efficace qui favorise l’innovation et la créativité ». Autant dire que l’OMPI est plutôt encline à célébrer l’utilité des brevets et autres protections réglementaires des droits des créateurs qu’à favoriser la « liberté d’expression » prônée, entre autres, par Julie Reda, ancienne présidente des Jeunes pirates européens.

La lecture d'OMPI Magazine[3] peut, parfois, être qualifiée d’austère, même si on se souviendra non sans nostalgie y avoir découvert que l’inventeur des ©Pringles a demandé par testament à ce que, après son incinération, ses cendres soit, en reconnaissance posthume, mises dans une boîte de ©Pringles avant que d’être enterrées[4]. Surtout, la revue offre, de la propriété intellectuelle et de sa défense, notamment sur Internet, des aperçus souvent étonnants, et qui peuvent laisser songeur quant à l’application des dispositions législatives, françaises ou européennes, concernant le droit d’auteur et les droits voisins.

C’est que, sur Internet, ce sont d’autres combats qui se jouent, à la fois plus triviaux et financièrement plus conséquents. Ainsi de l’affaire, largement médiatisée, du macaque de M. Slater. A qui appartiennent les droits d’auteur d’une série de photos de macaque (depuis prénommé Naruto) prises par lui-même avec l’appareil de M. Slater, images par la suite abondamment diffusées sur le web, notamment sur le site Wikipédia ?[5] Après procès devant un tribunal américain, le photographe et la PETA, une association américaine de défense des animaux, qui avait intenté l’action judiciaire, sont parvenus à un accord « à l’amiable » (entendons : en se partageant les recettes liées aux exploitations de l’image), même si, aux dernières nouvelles, le photographe semblait tenté de faire un nouveau procès, cette fois dans son pays natal, le Royaume-Uni, où la législation sur le droit d’auteur pourrait être appliquée de manière bien différente.

La propriétaire de « Grumpy cat » (qu’il n’est pas besoin de présenter aux lecteurs d’un blog) a quant à elle pris la précaution, une fois publiée l’image de son chat (en fait, une femelle) sur Reddit, de créer une entreprise baptisée Grumpy Cat Limited et de faire protéger le nom « Grumpy cat ». On ne sait trop quel est désormais le montant de sa fortune (entre 1 et 100 millions de dollars, selon l’article de la revue[6]) mais, en tout cas, toute utilisation non autorisée donne lieu à procès – et versement de conséquentes indemnisations.

Cependant, en matière de droits d’auteur sur les « objets » improbables du net, le pire est peut-être devant nous, puisque les émojis aussi relèvent, pour certains, du droit de la propriété intellectuelle[7]. Pour autant, les procès à venir (que l’auteur de l’article, on le comprend, semble attendre avec impatience) seront sans doute de haute volée, puisqu’il faudra, entre autres, déterminer si les émojis concernés sont « soumis à la théorie de la fusion, qui exclut la protection par le droit d’auteur quand une idée peut être exprimée seulement de manière limitée ». Tous éléments qui conduisent à constater, mais ce n’est pas une nouveauté, qu’Internet n’est pas une zone de « non-droit », mais, tout au contraire, de droits foisonnants, inédits, inventifs et… parfois acrobatiques.
Au-delà de l’aspect anecdotique des récits, on peut retenir que la « culture du procès », qui, paraît-il, règne en maître outre-Atlantique, permet parfois, quand l’application stricte de la législation semble impuissante, de « dire le droit » et de confronter les points de vue entre des « adversaires », qui peuvent lors trouver un (lucratif) terrain d’entente. On en retiendra surtout, mais c’est le propos même de l’OMPI, que la protection intellectuelle la plus solide, et la plus reconnue par les tribunaux, s’achète plus qu’elle n’est de droit : c’est toute la différence entre Naruto et Grumpy cat, et on ne saurait trop conseiller aux créateurs d’emojis originaux de les breveter (moyennant finances bien sûr) avant que d’être copiés. Et on peut, aussi, attendre avec impatience que le magazine de l’OMPI consacre un article comme toujours irréprochable aux emojis de Naruto et de Grumpy cat qui, cela dit, existent déjà.

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