Livres Hebdo : Vous dirigiez les bibliothèques de Bordeaux, Brest et Reims avant de prendre la tête de celle de Lyon, en octobre 2020. Quel regard aviez-vous, à l’époque, sur la bibliothèque lyonnaise ?
Nicolas Galaud : C’est depuis longtemps une bibliothèque de référence, qui a toujours fait preuve d’innovation – je pense par exemple au service de question/réponse « Le Guichet du savoir ». En 2019, la Bibliothèque municipale de Lyon était le premier réseau de bibliothèques de France après Paris, et comptait comme inscrits 20 % de la population lyonnaise !
Combien en reste-t-il après la crise du Covid ?
En 2021, nous avons vécu un recul de la fréquentation d’à peu près 50 %, du nombre de prêts de 30 % et du nombre d’abonnés de 20 %. C’est à peu près la moyenne nationale. Aujourd’hui, nous avons presque retrouvé le même nombre d’abonnés et le même volume de prêts, sauf pour les DVD, en net recul : c’est à mettre en relation avec le développement des offres numériques comme Netflix ou Amazon Prime Video. Mais il faut examiner le phénomène sur la durée, et prendre en compte le fait qu’il y a eu moins de sorties de films ces derniers mois. Nous avons aussi moins de visiteurs. Les conférences intéressent moins les publics, contrairement aux clubs de lecture. Nous allons développer des formats où le public est amené à participer.
Quel sera le gros chantier 2023 ?
Nous déposons auprès du ministère de la Culture un dossier pour entrer dans une deuxième phase du label BNR (Bibliothèque numérique de référence), afin de réaliser une quarantaine de projets numériques. Nous comptons dépenser deux millions d’euros d’ici 2026 pour, entre autres, moderniser notre site internet et numelyo, et créer une application smartphone.
Un point que ne mentionnait pas le précédent projet d’établissement : favoriser la transition écologique.
On ne peut pas faire l’impasse sur une réflexion dans ce domaine, d’autant plus qu'à été élue en 2020 une majorité municipale écologiste. Nous poursuivons donc la sensibilisation du public à travers notre programmation culturelle, notamment en faisant une médiation vers les collections sur le thème. Nous développons aussi des pratiques de sobriété énergétique, en baissant la température du chauffage par exemple. En octobre, la Ville a lancé son plan de sobriété qui vise 10 % d’économies d’énergie dans ses services publics. Cela passera par des travaux de rénovation.
Où en est la réhabilitation du silo de la Part-Dieu, qui renferme les magasins de la bibliothèque sur 17 étages ?
Les travaux de désamiantage, d’isolation ou encore de remplacement des luminaires par des LED sont bientôt finis, et devraient permettre 30 % d’économies d’énergie. Ce projet à 13 millions d’euros n’est que la première phase d’un plan de rénovation lancé il y a dix ans, mais les échéances électorales et la crise sanitaire n’ont pas permis de poursuivre les travaux sur les autres espaces. Et comme le contexte environnemental et les pratiques culturelles ont évolué, nous lançons une nouvelle étude architecturale en 2023, en espérant commencer les travaux avant 2026.
Quelles sont les nouvelles pratiques culturelles à prendre en compte ?
Nous avons un espace numérique, mais il faudrait le repenser. Nous avons aussi besoin d’espaces pour des ateliers avec le public, pour des rencontres et des salles de travail en groupes. Enfin, le secteur jeunesse est sous-dimensionné.
Comment imaginez-vous la Bibliothèque de Lyon dans dix ans ?
Je suis persuadé que les bibliothèques ont un avenir – ce qui n’était pas acquis par les décideurs politiques il y a quinze ans, lors de la fulgurante montée en puissance d’internet. Aujourd’hui, la municipalité consacre la plus grande partie (20 %) de son budget culturel à la Bibliothèque de Lyon ! Les bibliothèques sont les rares lieux accessibles gratuitement et sans formalités, et nous avons à travailler sur notre image pour être davantage accessibles et démocratiques. On a besoin de lieux pour se rassembler. Et l’usage documentaire se maintient : on a un taux d’emprunts et de rotation de collections remarquables, et il n’est pas question qu’il en soit autrement dans dix ans.
Les bibliothèques lyonnaises sont toutes amenées à devenir des tiers-lieux ?
Je pense que toutes les bibliothèques ont depuis longtemps les caractéristiques que l’on prête aux tiers-lieux. Cela fait longtemps qu’on ne fait pas qu’emprunter des livres en bibliothèque, qu'il faut se préoccuper du confort de l’usager et des pratiques collectives. La fonction de base reste le documentaire, et si on tourne le dos à cette notion-là, on tourne le dos à une grosse partie du public, mais nous devons aussi faire de la place aux nouvelles pratiques. Les bibliothèques sont par nature évolutives.