Qui se souvient de Paul, l’unique long-métrage du sculpteur Diourka Medveczky, de Jacques Harden, qui revint un jour des Amériques pour retrouver à Nantes sa Lola, de Couleur chair, film de François Weyergans dans lequel Bianca Jagger et Dennis Hopper s’en donnaient à cœur joie, du peintre dandy Daniel Pommereulle, des bureaux d’Anouchka Films, au 2, rue Marbeuf à Paris, ou de la mystérieuse princesse Aïcha Abadie qui, dans Pierrot le fou, se proclamait reine du Liban en exil ? Ce sont là, parmi beaucoup d’autres souvenirs (des centaines, sans doute), comme autant de photographies dont les contours s’estompent peu à peu, quelques-unes des entrées qui font du monumental Dictionnaire de la nouvelle vague de Noël Simsolo beaucoup plus que le rigoureux ouvrage historique qu’il est par ailleurs, une lecture fascinante entre celle d’un vieil annuaire des Postes et Télécommunications et d’un roman de Patrick Modiano (qui passe entre ces pages, de-ci de-là). La nouvelle vague - et c’est l’un des grands mérites de Simsolo de nous le rappeler avec cette allègre curiosité - ne se circonscrit pas à Truffaut, Godard, Rohmer et Rivette. Pas même à ses cousins ou neveux, Resnais, Marker ou Demy. Ni école ni groupe, c’est un mouvement en mutation constante qui, au regard de la postérité, laissa pour beaucoup d’appelés peu d’élus. Après le coup de tonnerre des Cahiers, des 400 coups et d’A bout de souffle, il y eut plus tard une « deuxième nouvelle vague » autour d’Eustache, de Garrel, du Pialat des débuts, voire de Téchiné.
Il y eut aussi, partout dans le monde, des Etats-Unis (Scorsese, Coppola) au Brésil (le cinéma novo) en passant par l’Allemagne (Fassbinder, Wenders, Herzog), ou l’ex-bloc de l’Est (Forman, Skolimowski, Polanski), des nouvelles vagues comme des répliques du séisme initial français. Il y eut enfin, du côté de chez Melville, Bresson, Becker ou même Guitry, des parents de la nouvelle vague. Cette vague-là était un tsunami qui s’abattit sur la planète cinéma et ne s’est jamais vraiment retiré. Il fallait pour rendre compte de cette profusion, de cette voracité artistique, de cette jeunesse aussi, quelqu’un que cela n’effraie pas. Auteur de roman noir, scénariste, cinéaste, comédien, Noël Simsolo est un touche-à-tout que rien n’indiffère. Son Dictionnaire est sur ce fascinant désordre que fut la nouvelle vague le livre le plus essentiel depuis l’histoire des Cahiers d’Antoine de Baecque (Histoire d’une revue, Cahiers du cinéma, 1991) et le Nouvelle vague de Jean Douchet (coédition Cinémathèque française-Hazan, 1998). Pour avoir connu la plupart des acteurs, célèbres ou restés anonymes, de cette histoire, Simsolo épargne à son lecteur les affres de la dévotion comme celles de la cuistrerie interprétative… Il se « contente » de ce qu’il a vu, deviné, de ce qu’il sait. Et c’est déjà beaucoup. Et ça reste, dans l’éclat de son éternelle jeunesse, toujours magnifique.
Olivier Mony