Les parutions scientifiques doivent-elles tendre vers davantage vers le modèle « Diamant » de publications immédiates en open access (accès ouvert) ? Le rapport et le projet d’avis respectivement rendus les 9 et 11 mars derniers par l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et le Médiateur du livre sur l’édition scientifique se sont penchés sur la question. Et leur réponse est « non ».
Pour mémoire, l’accès ouvert embrasse des voies variées chacune définie par une couleur : la « voie verte » repose sur la publication en archives ouvertes parallèlement à la publication des revues, avec ou sans période d’embargo ; la « voie dorée » repose sur le financement de la publication par des frais de publication payés par l’institut de recherche ; la « voie Diamant » permet quant à elle aux scientifiques de publier en accès ouvert et sans frais dans des revues ou des plateformes bénéficiant de subventions publiques.
Contre le ministère de l’Enseignement supérieur
En juillet 2021, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) a présenté le deuxième Plan national pour la science ouverte (PNSO) qui privilégie, pour les revues, l’adoption du modèle « Diamant ». Par cette décision, le ministère a défini une ligne caractéristique de la science ouverte française qui repose sur le financement de l’édition par la puissance publique. S’il avance l’objectif d’atteindre « 100 % de publications en accès ouvert en 2030 » et de « généraliser l’obligation de publication en accès ouvert » (pour les articles et les livres), il a aussi été conçu sur le refus très ferme des options d’accès ouvert promues par les grands groupes internationaux d’édition.
Ce modèle Diamant est cependant loin de faire l’unanimité. Les éditeurs scientifiques s’inquiètent en particulier de ce qu’il menacerait la liberté académique des chercheurs. C’est d’ailleurs ce que soulève l’OPECST dans son rapport : « En sortant de la logique économique du marché et en reposant exclusivement sur des subventions publiques, ce modèle économique s’apparente à une étatisation pure et simple de l’édition du savoir », alerte l’organisme. De son côté, le Médiateur du livre appelle dans sa recommandation n°7 à faire « bon usage du modèle Diamant, qui est l’une des voies d’avenir parmi d’autres de l’édition de SHS. »
Liberté académique
Des conclusions que le Syndicat national de l’édition (SNE) et la Fédération nationale de la presse d’information spécialisée (FNPS) reprennent conjointement à leur compte dans un communiqué paru ce 8 avril : « Avec ce modèle (Diamant, ndlr), encore très minoritaire à ce jour, les publications seraient mises en accès libre immédiat mais sans que l’indispensable travail d’édition soit financé par le lecteur (abonnements) ni par l’auteur (ou son organisme de rattachement), mais par des sponsors, publics ou privés, à même de contester à terme l’entière liberté académique des chercheurs. »
Dans leur communiqué, le SNE et la FNPS soulignent que les deux rapports reconnaissent le « rôle fondamental » des éditeurs scientifiques privés et publics pour la diffusion des résultats de recherche. Ils se réjouissent aussi de la recommandation d’une « approche équilibrée » de la politique française de science ouverte, qui garantisse à la fois le pluralisme et la diversité tout en préservant les bases légales du droit d’auteur.
Enfin, parmi les mesures proposées par l’OPECST et le Médiateur du livre, le SNE et la FNPS saluent en particulier l’accompagnement des éditeurs vers davantage d’ouverture, la nécessité d’études d’impact précédant toute action publique et le déploiement d’une véritable politique interministérielle en matière de science ouverte. Ils appellent aussi de leurs vœux le développement de l’édition scientifique française sous la houlette du nouvel Observatoire de l’édition scientifique lancé en décembre 2021. Ce dernier doit être le lieu d’une « concertation constructive conduite en tout transparence », conclut le communiqué.