J’ai été jeune moi aussi. J’ai été un jeune homme ignorant tout du succès international que je connais maintenant (si vous ne me croyez pas, partez en Roumanie cet été). C’est difficile à imaginer je sais, mais il fut un temps où j’ai fait des stages dans les maisons d’édition, où j’ai collé des enveloppes en ruminant mon bac +presque 4, où j’ai fait des relances téléphoniques en repensant à ma maîtrise sur Flaubert (étude comparée entre Madame Bovary et la Tentation de Saint Antoine (ma théorie étant la suivante : il s’agit du même livre (oui, c’était un temps où je faisais des théories))). Mon premier stage était aux Editions Lattès : magnifique souvenir. Après ce stage, j’ai même été standardiste pendant un été : rien de mieux pour comprendre une maison d’édition. C’était leur époque d’avant Da Vinci Code (le téléphone était donc à cadrans). Pendant mon stage j’ai connu, au service de presse, Colette Manne et Laurent Payet. Si la première est une amie chère, j’ai moins vu le second ces dernières années. Mais tous deux ont marqué vraiment mes premiers instants dans le monde de l’édition. Laurent Payet a quitté Lattès pour s’occuper de Chevènement, à la grande époque de celui-ci. Avec Laurent Payet, Chevènement était le troisième homme. Sans Laurent Payet, Chevènement n’est plus un événement. Laurent s’occupe à nouveau de livres, dont cette collection « Indigne » chez Denoël, dirigée par Clara Dupont-Monod chez Denoël. J’aime bien ce nom. Si j’étais une femme, j’aimerais bien m’appeler Clara Dupond-Monod. Je la vois parfois chez Pascale Clark sur Canal Plus, et c’est vrai qu’elle a une certaine capacité à s’indigner. Ceci étant dit, les gens qui s’indignent m’épatent. Moi qui ne m’indigne jamais contre rien, qui suis une sorte de lâche névrotique, ça me fascine cette excitation organisée de façon professionnelle. C’est vrai que ma semaine de vacance passée avec un Bayrouïste pur jus n’a sûrement pas du arranger les choses. Le dernier livre en date de cette collection est « A bout de couple » de Catherine Castro, journaliste à Marie-Claire. Premier point : une femme qui croise régulièrement Tina Kieffer ne peut pas écrire un mauvais livre. Je sais, je suis le seul à pouvoir comprendre cette phrase. Mais j’ai revu hier Tina Kieffer sur le canapé rouge de Michel Drucker dans Vivement Dimanche , et j’ai enfin aimé un dimanche dans ma vie. Donc, le livre de Catherine Castro est une charge magistrale contre le couple. Elle désamorce les critiques évidentes : à savoir que seule une femme aigrie ou peu épanouie sensuellement (euphémisme) peut écrire ce type de livre hargneux. Car, voilà un livre énergique. On sait déjà tout sur le pour et le contre du couple, mais quand on est en couple c’est toujours violent d’imaginer cet Eldorado de la liberté qu’elle nous décrit. C’est le livre à offrir, non pas aux couples, mais à tous les célibataires. C’est une bible qui leur fera renoncer immédiatement à leur abonnement à Meetic. Parenthèse : que les pubs pour Meetic sont chics, des femmes avec des mèches sur un fond bleu pastel, de la pure propagande pour le célibat. Le livre de Catherine Castro est assez passionnant, car elle décortique tout ce qui nous écrase, tout ce qui nous pousse au renoncement, à savoir le couple. Etre en couple, c’est paradoxalement, entrer dans les ordres. Tiens, je viens de faire un aphorisme, c’est bon signe pour la semaine. Son essai regorge de bonnes formules : « le sexe domestique est à l’érotisme ce que le thermostat est au radiateur ». Et puis, il y a cette expression : « l’amour fonctionnaire ». Le livre aurait du s’appeler ainsi, il me semble. Car c’est le vrai sujet du livre. L’angoisse des corps qui se raccrochent à ce qui leur est du. Le couple est socialiste. Ouh la, un deuxième aphorisme ! Il faut que je fasse attention : un claquage est si vite arrivée. Cet essai passionné est à lire aussi pour la justesse des références cinématographiques choisies. L’auteur nous reparle du chef d’œuvre de Stanley Donen, « Voyage à Deux », ce magnifique film de la décomposition d’un couple. C’est d’ailleurs peut-être contre ça qu’il faut s’indigner, la brutalité de la vie amoureuse : la lassitude. Thématique oblige, je parcoure aussi le livre d’Anne Roumanoff paru chez JaiLu. J’avais prévenu que ce blog serait un grand écart. Près de moi, deux livres : « De l’inconvénient d’être né », et «Le couple, petits délices de la vie à deux ». Franchement, ça se vaut. Un petit quizz au hasard : « La femme veut toujours changer l’homme. L’homme veut toujours changer de femme. » Alors ? ? Alors ? Cioran ou Roumanoff ?… Réponse au prochain épisode… *** Les trois vœux de Catherine Castro : 1 : trouver dans ma boîte aux lettres un exemplaire de « Les écrivains en personne » de Madeleine Chapsal (si, si), un livre épuisé, qui contient entre autres la dernière interview de Céline. 2 : Etre coincée dans un ascenseur en panne avec Jean-Paul Dubois. 3. Faire dérailler la mort qui s’est une fois de plus trompée de cible.

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