La deuxième édition du Paris Book Market, marché de cession de droits organisé par le Bureau international de l’édition française (Bief), s’est terminée le 2 juin à la galerie Joseph dans le 3e arrondissement de Paris. Sous une large verrière emmagasinant la chaleur du printemps, les deux étages de la galerie ont vu défiler des centaines de professionnels venus du monde entier. Près de 250 éditeurs étrangers sont venus remplir les agendas millimétrés de 106 représentants de maisons françaises, agents et scouts littéraires inclus. Des échanges de 30 minutes autour d’une simple table blanche, amenés à se poursuivre de façon informelle, selon les affinités. « Le monde entier vient pour les éditeurs français », se réjouit Claire Mauguière, coordinatrice du projet, devant un hall d’entrée aux airs de tour de Babel.
« Rencontrer des éditeurs que l'on ne connaissait pas »
« Le Paris Book Market, c’est surtout l’occasion de rencontrer des éditeurs que l’on ne connaissait pas et de chercher des nouveaux partenaires issus de marchés sur lesquels on n’a pas le temps de travailler », confie Mathilde Barrois, responsable des cessions de droits pour Gallimard Loisirs. Un avis partagé par l’ensemble des représentants français, qui soulignent aussi le caractère intimiste et détendu de l’événement, comparé aux grandes foires internationales. « On a un statut hyper privilégié puisque les éditeurs étrangers viennent spécifiquement pour les productions littéraires françaises », complète Violaine Faucon, qui enchaîne les rendez-vous pour les éditions de L’Olivier.
Une opportunité pour les petits éditeurs
Pour Elsa Misson, agente littéraire de So Far So Good (Le Détour, Le Panseur, L’Antilope, Intervalles, Agullo), l’événement profite « aussi bien aux grandes maisons, déjà bien établies à l’international, qu’aux plus petites ». Ravi d’avoir convaincu un éditeur suédois de repartir avec un de ses ouvrages, Jérémy Eyme, fondateur de la jeune maison Le Panseur, s’est essayé pour la première fois à l’exercice, saisissant « l’opportunité de [se] créer une légitimité ».
Même son de cloche du côté d'Isabelle Dupasquier, responsable marketing et diffusion des éditions Beaux-Arts, pour qui l’ouverture à l’international débute tout juste, dans le but « de faire rayonner ailleurs l’image de l’institution ». Sur les tables, aucun signe distinctif ne vient différencier les plus grosses structures des plus modestes.
Autre atout du Paris Book Market : le calendrier. « La date est précieuse puisqu’on est déjà en mesure de divulguer notre programme de la rentrée littéraire », raconte Christine Bonnard Legrand, responsable des cessions de droit du groupe Libella (Buchet-Chastel, Les Cahiers dessinés, Noir sur blanc). Mais aussi pour préparer la Foire de Francfort : « L’événement sert de laboratoire, on peut déjà pressentir ce qui va interpeller », poursuit-elle.
La littérature française, un genre en perte de vitesse ?
Sans grande surprise, certains genres séduisent plus que d’autres. « Le cosy crime, les women’s fiction type Mélissa da Costa, Valérie Perrin, les thrillers à la Bernard Minier, les penseurs phares de la philosophie de la nature ou encore la BD de non-fiction, voire de vulgarisation scientifique comme le phénomène Jancovici fonctionnent très bien », résume Cristina de Stefano, scout littéraire au service de quinze pays et forte de vingt ans d’expérience.
Et la littérature française ? « En perte de vitesse », nous glisse-t-on. C’est du moins le constat dressé par la chasseuse de talents, qui note une prudence des éditeurs étrangers. « Ceci même des Allemands, qui sont d’ordinaire nos premiers clients », détaille Honorine Dupuy d’Angeac chez Michel Lafon. « Aujourd’hui, il y a une préférence pour les titres à fort potentiel commercial. »
Malgré cette tendance, les éditeurs anglosaxons – graal de toute maison hexagonale – restent difficiles à convaincre, peu importe le segment. Si la bande dessinée, notamment avec le roman graphique, prend globalement de l’ampleur, « culturellement, c’est un genre moins répandu aux États-Unis, où le marché est déjà saturé de productions », argue Julia Skorcz de Glénat. À l’inverse, comme l’année dernière, les éditeurs européens – italiens, espagnols, allemands –, restent les plus nombreux face à une poignée de profils venus du Brésil, de l’Inde ou du Moyen-Orient, souvent séduits par les beaux livres, la presse universitaire ou les essais.
« Dans la sélection de professionnels étrangers que nous avons invités, nous avons prêté attention à une meilleure représentation de chaque secteur, mais pour certains, ce sont surtout des motifs logistiques qui peuvent constituer un obstacle », conclut Claire Mauguière. Rien, cependant, qui n’ait pu gâcher l’enthousiasme des professionnels présents ces deux jours et qui souhaitent, sans exception, voir le Paris Book Market s’épanouir dans les années à venir.