4 JANVIER - PHILOSOPHIE France

Il y a un an, André Comte-Sponville publiait chez Albin Michel Le goût de vivre : et cent autres propos. Il y était question d'appétence pour l'existence, d'enthousiasme, d'envie. Cela avait bien marché. On avait compris que le philosophe vivait bien dans le monde et que ce monde l'inspirait. C'était rassurant sans être étonnant.

Comme une suite logique à cet engouement, il poursuit sa réflexion sur un thème ambitieux et grave : l'amour. Et derrière cet amour qu'il décline selon trois entrées d'un même sujet -l'amour passion (erôs), l'amour qui dure (philia) et l'amour des autres (agapê) -, il aborde la sexualité, les vertus et la mort. Eros sans Thanatos ne formerait pas en effet une tête d'affiche complète au théâtre de l'existence.

A sa manière, qui a fait son succès, celle d'avancer à petits pas en faisant croire que le chemin sera court, en multipliant les exemples de la vie quotidienne, Comte-Sponville entraîne donc son lecteur dans une randonnée philosophique jalonnée de quelques passages délicats toujours abordés avec une technique éprouvée. Comme tout bon guide, il fait des pauses. Il fait observer. Il remarque. Il s'interroge. Et, comme il est philosophe, il répond aux questions qu'on ne se posait pas.

Socrate, Platon, Montaigne, Pascal, Kant, Schopenhauer, Nietzsche, Simone Weil ou Alain sont convoqués pour parler de l'érotisme, de l'amitié, de la charité. Ils répondent présent dans ces essais qui ont conservé la saveur des conférences, leur présence, leur oralité, leur art de la digression pour mieux revenir ensuite au sujet. Même les répétitions servent à circonvenir l'essentiel.

Après le printemps tumultueux de l'affaire Dominique Strauss-Kahn, il n'était pas inutile qu'un philosophe, matérialiste et hédoniste, disciple d'Epicure et de Louis Althusser, qui fut son professeur à Normale sup, recadre le débat sur la sexualité et l'amour. "Le sexe n'a pas de morale, c'est pourquoi les amants doivent en avoir une."

Derrière Le sexe ni la mort, on voudrait entendre "le sexe nie la mort", ce qui n'est vrai que pour l'espèce, pas pour l'individu. "Le sexe ni la mort ne dépendent ordinairement de nous : il est rare qu'on les choisisse, impossible qu'on leur échappe."

A sa façon, ludique et pudique, érudite et accessible, André Comte-Sponville continue le chemin qu'il s'est fixé depuis le Petit traité des grandes vertus (1995), qui s'achevait justement sur l'amour. "Il serait plus facile de n'aimer rien ni personne ? Peut-être. Mais c'est que nous serions morts. Si nous n'aimions pas aussi la difficulté, comment pourrions-nous aimer la vie ?" Dans sa démarche qui fait son oeuvre, il montre que la philosophie, au quotidien, peut nous aider à réfléchir sur ce que nous sommes et ce que nous voulons être.

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