Vincent Monadé, président du Centre national du livre, est satisfait. "On a augmenté le nombre d’événements labellisés: 77, contre 60 l’an passé. On compte au total 5000 événements référencés contre 4000 en 2017. On est presque un peu dépassés, ou en tout cas agréablement surpris, du déploiement de cette fête au cœur de l’été". Il dit attendre "15000 jeunes sur la durée du festival". Il salue le choix de s’implanter à la Courneuve, "dans un endroit très fréquenté par des familles plutôt éloignées du livre". Et souligne la nouveauté des "journées ados", testées dans des livrodromes implantés dans quatre villes différentes: "on essaie de faire les quatre axes de la France!"
Approcher le livre par l’image
La première matinée bat déjà son plein: les groupes d’enfants, encadrés par des centres de loisirs, papillonnent entre les containers auprès desquels sont installées les animations. Des stands de dessins, où Taymiya, 7 ans et demi, force sur le crayon de couleur orange. Elle qui a des problèmes de concentration canalise son attention, et semble sourde à l’agitation autour d’elle. Lorsqu’elle relève enfin la tête, c’est pour brandir son œuvre: "j’ai fait une maison avec plein de fleurs de couleurs !". Des jeux gonflables, des quilles, des exercices de mimes, et au milieu de tout cela, une fresque "participative" de 16 mètres de long, accrochée à un mur en triangle. Elle indique: "permis de colorier, paysage en chantier".
Les trois auteurs-illustrateurs qui l’ont conçue se détendent non loin de là sur des transats. "Moi je suis plus à l’aise avec les enfants qu’avec les adultes. Je n’ai jamais quitté ce monde: leur spontanéité, leur imaginaire… Je suis restée à la table des enfants!", rigole Éléonore Zuber, auteure de la série Lorsque… et de Ma famille Zombie, parus aux éditions Cambourakis. À ses côtés, Marc Daniau, artiste éclectique et illustrateur de Comme un géant (Thierry Magnier, 2017), apprécie également ce contact avec les jeunes lecteurs. "C’est une prise de risques: les enfants, ça adhèrent, ou pas. Mais au moins, ils n’ont pas les codes culturels des adultes qui étiquettent "ça c’est de la BD, ça c’est un autre style"; "ça c’est moche, ça c’est beau"… Et puis, cet événement collectif, ça me fait sortir de ma routine de solitaire accroché à ma table de travail".
Repartir avec un livre
Au-delà du voyage dans l’imaginaire, l’objectif de l’événement est que les enfants repartent avec un livre, ou un chèque lire. Morgane, de la librairie La Malle aux Histoires à Pantin, accompagne Partir en livre depuis trois ans. Elle présente la sélection de livres sur son stand, qu’elle tient avec un collègue de la libraire Folie d’encre d’Aulnay-sous-Bois: des "auteurs participant au festival, ou mis en avant" parmi lesquels Claude Ponti ou Joëlle Olivet. Les chèques lire "sont moins nombreux que l’année passée", constate Soraya, membre de l’équipe du festival: l’opération "Livres Suspendus" a donc été mise en place pour "proposer aux enfants inscrits de redistribuer les livres acquis grâce aux chèques lire à d’autres enfants plus en difficulté, récemment immigrés, ou ayant peu d’accès à la langue française".
Grâce à de nombreux éditeurs partenaires, comme l’Ecole des Loisirs, Casterman ou Gallimard Jeunesse, les enfants peuvent aussi emporter le livre de leur choix. Sous un container proche de l’entrée, des bacs sont à leur disposition. Une conteuse, Juliette Wiatr, comédienne intervenant pour la troisième année à Partir en Livre, tente de leur donner des envies. Elle glisse ses doigts au fil des pages de La Promenade de Petit Bonhomme, de Lucie Félix (Les Grandes Personnes). Et questionne les enfants en même temps qu’elle leur raconte l’histoire. "J’essaie de faire appel à leur créativité. Etre acteurs de l’histoire les amène plus vite vers les livres. Comme à l’école: on retient mieux lorsque l’on participe et que l’on devine. Et puis ça donne confiance en soi", ajoute la comédienne, "c’est mieux si les livres donnent l’impression d’être accessibles, et ne se résument pas à la question de lire vite et comme il faut."