Patrick Gambache : "Eden est prêt pour Amazon et Apple »

Patrick Gambache : "Eden est prêt pour Amazon et Apple »

Patrick Gambache a été nommé cet été président d'Eden, la plateforme de distribution de livres numériques des groupes Flammarion, Gallimard, La Martinière, et de leurs éditeurs affiliés. Egalement responsable du développement numérique et de la coordination éditoriale du groupe La Martinière, et directeur général de Points, la filiale poche du Seuil, il est l'un des acteurs des transformations que va traverser l'édition dans les prochaines semaines avec l'ouverture de la librairie numérique d'Amazon.

J’achète l’article 1.5 €

avec Créé le 29.05.2015 à 15h03

Livres Hebdo - Comment la direction d'Eden Livres, que vous présidez désormais, est-elle organisée ?

Patrick Gambache- Photo OLIVIER DION

Patrick Gambache - Les trois actionnaires à parts égales nomment à tour de rôle le président de cette société, qui n'est pas forcément celui d'un des trois groupes. Hervé de La Martinière, à qui revenait ce choix après Antoine Gallimard, m'a demandé d'assurer cette fonction. Dans un an, la décision reviendra à Teresa Cremisi, P-DG de Flammarion. Il y a également deux directeurs généraux, nommés sur le même principe : Thierry Capot [par ailleurs responsable du développement numérique et contrôleur de gestion du groupe Flammarion] et Alban Cerisier [secrétaire général de Gallimard, également chargé du développement numérique].

La plateforme de diffusion de livres numériques dispose-t-elle de moyens propres et de salariés ?

Chacun des trois actionnaires délègue ses représentants et des collaborateurs qui participent au comité de pilotage technique, mais il n'y a aucun salarié chez Eden. Les développements et l'assistance sont assurés par la société canadienne De Marque, notre prestataire de service mais aussi notre partenaire, qui travaille aussi pour les plateformes des éditeurs canadiens et italiens et fait circuler le savoir-faire entre ces trois entités.

Au-delà des 150 000 euros de capital initial, quel est le montant de l'investissement global ?

Chaque actionnaire a réinjecté 30 000 euros cette année, soit un investissement total de 230 000 euros depuis le lancement d'Eden. La plateforme disposera aussi de ressources et de contenus supplémentaires avec l'arrivée prochaine du groupe Actes Sud, qui prendra une participation sous forme d'augmentation de capital, dont le montant et les modalités restent à fixer. Nous souhaitons poursuivre l'accueil d'autres partenaires, à côté des éditeurs qui font appel à nous comme prestataire d'un service de distribution numérique via leur diffuseur. Outre ceux de Volumen, Gallimard-CDE, et UD-Union Distribution, la plateforme distribue ainsi les éditeurs d'Harmonia Mundi et Ouest-France Diffusion.

Quels sont les revenus d'Eden ?

Les recettes viennent d'une commission sur les ventes, variable mais inférieure à 10 %, et d'un forfait fixe de 5 euros pour le dépôt de chaque titre. Le service comprend la distribution des livres numériques à tous les revendeurs que nous désignent les éditeurs, au prix et selon les conditions qu'ils souhaitent : avec ou sans DRM, en ePub ou PDF suivant le type de fichier choisi, en entier ou par chapitre... Eden est un prestataire technique, et chaque éditeur, ou son diffuseur, conserve l'entière maîtrise de sa politique commerciale. Ils disposent aussi en temps réel de toutes les statistiques de vente par librairie, du volume et du lieu des consultations d'extraits, etc.

Quelle est l'offre et quelles sont les ventes de la plateforme ?

Les 65 éditeurs proposent actuellement 8 164 fichiers, en majorité au format ePub, aux 64 librairies connectées, dont quelques-unes à l'étranger, y compris en dehors des zones francophones. Au cours des douze derniers mois, ils ont vendu environ 46 000 livres numériques, contre 4 600 l'année précédente, pour l'essentiel en littérature et sciences humaines. Le policier et les romans historiques réalisent aussi de bons scores. L'an dernier, Michel Houellebecq, prix Goncourt, était en tête des ventes.

Et quelles sont les librairies les plus vendeuses ?

La Fnac représente pour le moment les deux tiers de l'activité. L'eBookstore, la librairie d'Apple, démarre bien, dans la mesure où, parmi les membres d'Eden, seul le groupe La Martinière avait signé un accord, il y a moins de trois mois. Les librairies indépendantes sont bien présentes, mais leur activité est encore limitée. Les exemples d'Immateriel ou de Feedbooks, qui se classe au sixième rang des revendeurs reliés à Eden, montrent toutefois qu'il n'est pas indispensable de disposer d'une grosse infrastructure pour tenir sa place dans ce marché.

L'arrivée d'Amazon va modifier ce classement ; après Flammarion, La Martinière est-il prêt à vendre ses livres numériques sur le Kindle store ?

Eden est prêt techniquement, avec un bouton qu'il suffit d'activer sur le back-office, pour Amazon et Apple. Mais le démarrage est du ressort de ces revendeurs. La plateforme n'est qu'un prestataire de service, et n'est pas décisionnaire en matière commerciale. En ce qui concerne La Martinière, nous venons tout juste de signer un accord avec Amazon.

Contrairement au principe que défendaient les éditeurs, Apple et Amazon exigent d'avoir les fichiers numériques sur leurs propres serveurs ; ont-ils obtenu satisfaction ?

La technologie a changé entre-temps. Alors qu'on nous demandait auparavant de déposer ces fichiers sur un serveur FTP, sans pouvoir vraiment maîtriser leur usage ensuite, nous fonctionnons maintenant en Web service, qui permet un flux permanent d'échanges et laisse à l'éditeur l'entière maîtrise de ses ventes, y compris leur interruption s'il le souhaite. D'autre part, les livres numériques d'Apple et d'Amazon disposent d'une DRM propre, gérée en interne par ces deux revendeurs.

N'est-ce pas un avantage pour ces deux opérateurs, par rapport aux libraires qui ne peuvent que déclencher l'envoi d'un lien, sans disposer eux-mêmes de l'ebook ?

Pour gérer jusqu'au bout la vente de livres numériques, y compris l'envoi du fichier, il faut une infrastructure dont les indépendants ne disposent pas forcément, notamment en termes de sécurité et de protection des données. Mais nous travaillons avec les opérateurs de téléphonie et fournisseurs d'accès à Internet à un système de portail ouvert qui laissera toute sa place aux libraires indépendants. Notre objectif est bien de travailler avec le plus grand nombre de revendeurs, et notamment de librairies : le contraire serait une erreur.

Eden est-il prêt aussi à une distribution via Google eBooks, la librairie numérique de Google ?

Non, il n'y a aucun projet pour le moment. Et en ce qui concerne l'accord signé par La Martinière, la première tâche sera d'identifier les oeuvres indisponibles numérisées par Google et toujours sous droits d'auteurs, ce qui va nous prendre du temps, notamment pour les titres les plus anciens, avant la généralisation de l'ISBN.

Eden prévoit-il aussi d'ouvrir le prêt de livres numériques en bibliothèques pour les éditeurs qui le souhaiteront ?

Oui, c'est le chantier prioritaire de cette fin d'année. Et nous discutons avec les libraires pour voir comment les intégrer dans ce circuit : quand nous affirmons vouloir travailler avec eux, ce n'est pas un vain mot.

La loi sur le prix unique du livre numérique devrait entrer en vigueur cet automne, quelles en seront les conséquences pour les relations avec les revendeurs ?

Il n'y aurait plus besoin de contrats de mandat, qui pourraient être remplacés par des conditions générales de vente. Nous réfléchissons à leur application chez La Martinière.

La TVA à 5,5 % reste annoncée pour le 1er janvier prochain ; le groupe prévoit-il de répercuter l'intégralité de la réduction sur le prix de ses livres numériques, fixé en fonction du taux actuel à 19,6 % ?

On ne sait pas encore si cette décision va vraiment passer, même si nous participons aux efforts des pouvoirs publics pour la faire valider auprès des instances européennes. Et nous n'avons pas tranché la question de ses conséquences, entre une baisse des prix, une meilleure rémunération des droits numériques pour les auteurs et une amélioration de la marge.

Les dernières
actualités