2 JANVIER - NOUVELLES France

De Soluto, on ne sait pas grand-chose, si ce n'est que, né en 1961, il vit au Havre, qu'il est peintre, et qu'il a publié, chez Les Rêveurs en 2009, un premier livre, Vies à la ligne. Après cette esquisse confidentielle, le voici au Dilettante avec un recueil de quatre nouvelles originales et décalées, servies par une écriture virtuose. Dans Glaces sans tain, Soluto joue l'écrivain voyeur qui regarde ses personnages en même temps qu'il sonde leur psychologie et leur donne la parole, puisque chacun d'entre eux raconte sa propre histoire à la première personne. Ce qui les unit, outre leurs racines normandes, c'est que ce sont des antihéros, de "misérables petits tas de secrets ».

Le premier de ces messieurs est le plus monstrueux. En octobre 1974, il a tué et violé post mortem Claire, une de ses camarades de lycée. Il avait alors 17 ans, ado motard sans histoire pris d'une bouffée délirante lorsque la pauvre fille lui a montré la cicatrice de sa récente trépanation. Interrogé plusieurs fois par une police tenace et efficace, il n'a pas craqué, n'a pas été inquiété. Il a ensuite bien réussi, chirurgien, marié, trois enfants, et n'a jamais éprouvé de remords pour ses crimes, sans récidive. Il ressent quand même le besoin de se confesser par écrit.

Le deuxième, un voyou costaud, sert de gros bras à des dealers. Un peu fêlé, il entend une "Voix", qui lui enjoint les pires âneries, comme casser la figure à un malheureux qui a le tort d'être le sosie d'Elvis ! Ce qui lui vaudra un séjour en hôpital psychiatrique.

Le suivant n'a pas eu que du bonheur : son grand-père, un ancien collabo chez qui toute la famille vivait, s'est suicidé. Sa femme et sa fille sont mortes. Il ne lui reste que ses parents, dont il a découvert gamin les turpitudes sexuelles, et on se demande si, fasciné par les armes à feu, il ne va pas les flinguer.

Le dernier, lui, s'appelle Soluto. Il est peintre et joue les Casanova des supermarchés, où il va draguer des femmes ordinaires, pas forcément heureuses en ménage. Ainsi Muriel, "prof de maths à Francis-Ponge », qui se laisse séduire, et qu'il finira par éconduire avec muflerie.

Le recueil lu, on pense à Flaubert - un autre Normand - non point pour le style : on est plus proche, ici, de Frédéric Dard. Mais pour sa déclaration, à propos de Madame Bovary : "J'ai voulu peindre ces moisissures que l'on trouve en bas des murs. » C'est un peu le projet de Soluto, révéler la médiocrité de la vie ordinaire.

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