Avec le temps je fréquente de plus en plus les enterrements. C'est la vie... Mais je sens que viendra le jour où je ferai ce que Juliette Gréco a expliqué un soir à la télévision : «  Je ne vais plus aux enterrements, comme ça mes amis vivent encore...  » Samedi pourtant, le vieux cancre que je reste a été dans la cour ventée du prestigieux Lycée Henri IV, ce refuge des premiers de la classe, pour la cérémonie en mémoire de Jorge Semprun. Je ne l'aurais manquée pour rien au monde tant cet homme a compté pour moi, tant j‘ai appris de lui pendant les quatre ans où il était chroniqueur au JDD . Etrange rassemblement que cet hommage qui tenait d'une réunion de cellule du PC des années 50 avec portraits de Jorge sur des tréteaux militants, d'un colloque de l'amicale des intellectuels du Quartier latin et d'une soirée mondaine où on ne comptait plus les Ray-ban vintage. Mais il suffit du visage d'un frère de Jorge, d'un aveu de la première adjointe au maire de Paris, Anne Hidalgo, fille de « rouge espagnol », de la voix rauque de l'ancien premier ministre espagnol Felipe Gonzales qui avait fait de Semprun son ministre de la Culture, et même, même, du discours de Frédéric Mitterrand et d'Alain Minc, l'un oubliant un instant son ton insupportable de chroniqueur hollywoodien de la vie des « vedetttes » et l'autre mettant un brin d'émotion dans son texte de premier de sa classe pour que l'homme à qui nous rendions hommage soit une dernière fois parmi nous. Il restait la voix de Jorge à travers la lecture des plus belles pages qu'il a écrites. Ces mots de L'écriture ou la vie où il raconte qu'il a récité du Baudelaire ( Ô mort, vieux capitaine, il est temps, levons l'ancre... ) à son professeur Maurice Halbwachs pendant son agonie à Buchenwald. Et le souvenir de cette histoire d'un dimanche où, jeune lycéen à Henri IV, il était allé acheter un croissant à deux pas de là. Craignant de ne pas parler assez bien français, il hésite. Alors la boulangère affairée le cloue d'un «  Ah ces Espagnols de l'armée en déroute !...  » Les camps et la poésie, l'exil et la langue française. J'aurais tellement aimé lui envoyer mon livre qui n'est pas encore prêt. *** Notre vie est faite de tristesse et de joie (de livres aussi, évidemment). L' « éditeur à façon » que je prétends être a connu aussi de grandes joies cette semaine. Imaginez qu'un libraire star de la télé dise du bien d'un livre que vous avez contribué à éditer :  «  J'ai découvert un grand écrivain qui écrit merveilleusement bien, sublimement bien (...) C'est une des plus belles histoire d'amour que j'ai lue dans ma vie. Si elle écrit des romans, je les lirai tous !  » C'était Gérard Collard, le Tintin à la houppe de la littérature, qui parlait d' Alzheimer mon amour de Cécile Huguenin au magazine de la santé vendredi dernier ( vidéo entre la 36 ème et 38'45 ).
15.10 2013

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