C’est toujours une joie de recevoir de la part de l’immense Pierre Guyotat ses Divers - Textes, interventions, entretiens 1984-2019 (Belles Lettres) et une marque de son amitié.
Pierre Guyotat y signe un texte intitulé « Courbet au rayon X : contre la loi de censure », paru originellement dans Libération en 1994. Il y défendait Jacques Henric, dont le livre Adorations perpétuelles (Le Seuil) reproduisait en couverture L’Origine du monde, le si célèbre tableau de Courbet, ce qui avait poussé la police, sur intervention de maires désœuvrés et illettrés, à faire retirer l’ouvrage des vitrines de plusieurs librairies françaises.
Pierre Guyotat en parle, hélas, en spécialiste. Il faut encore et toujours redire que, publié en 1970 chez Gallimard et préfacé par Roland Barthes, Philippe Sollers et Michel Leiris, son Éden, Éden, Éden est aussitôt interdit. Raymond Marcellin, ministre de l’Intérieur en prohibe l’affichage, la vente aux mineurs et la publicité. Ni la pétition signée des noms de Maurice Blanchot, Sartre, Genet, Simone de Beauvoir, Pasolini, Pierre Boulez…, ni l’intervention de François Mitterrand devant l’Assemblée, ni l’instruction écrite de Georges Pompidou, alors président de la république, à son ministre de l’Intérieur, ne font revenir celui-ci sur sa décision.
Sorti en 1970, mais écrit dans le contexte de la guerre d’Algérie, le texte de Pierre Guyotat revendique une démarche subversive qui lui vaut d’être condamné pour outrage aux bonnes mœurs. Dans Éden, Éden, Éden, il y a le désert, un bordel de femmes, un autre de garçons, des morts et des vivants violés, des incestes, des larmes, des hommes qui se masturbent…
Trois ans plus tôt était paru Tombeau pour cinq cent mille soldats. Lui aussi prenait pour cadre la guerre d’Algérie, mêlant relations homosexuelles et combats. Le général Massu, commandant en chef des forces françaises en Allemagne, fit interdire le livre dans les casernes qu’il avait sous ses ordres. La censure frappant Éden, Éden, Éden ne sera levée qu’en novembre 1981.
Et, au cours des années 1990, la radio F.G. est condamnée pour avoir diffusé - un dimanche matin ! – un extrait du Tombeau…
La vigilance de Pierre Guyotat est donc justifiée et ses Divers ont, entre autres, le mérite de le rappeler.