avant-portrait

Sans être explicitement autobiographique, le premier roman d’Alice Roland, 32 ans, danseuse contemporaine, s’inspire d’une expérience professionnelle vécue il y a plusieurs années. Quand on la rencontre à quelques jours de la première de la création de Philippe Decouflé pour sa compagnie DCA, dont elle est l’une des interprètes depuis 2007, cette jeune femme toute fine et au vaste sourire commente les virages de son étonnant parcours d’un rituel "j’ai eu de la chance". Chanceuse, mais curieuse aussi. Comment, quand on a grandi en banlieue parisienne, obtenu un Capes de documentation et un poste de documentaliste en collège, décide-t-on après quelques mois de démissionner de l’Education nationale pour commencer à 23 ans un travail de strip-teaseuse dans un théâtre érotique ?

Cabaret érotique

"Heureux hasard", répond-elle. Elle qui prenait depuis l’enfance des cours de danse en amateur s’est retrouvée, grâce à une amie déjà dans la place, performeuse d’un art du spectacle plutôt spécial, qui nourrit plus que tout autre clichés et fantasmes. Ça lui a plu. Elle dansera en se déshabillant pendant deux ans. Et comme "ce n’était pas un temps plein" et qu’elle a besoin de nourritures intellectuelles, elle reprend parallèlement des études : un master de littérature à Paris-7 sur Bernard Noël, puis un autre de traduction. C’était "passionnant", se souvient-elle, mais trop solitaire, car ce qu’aime Alice Roland dans son métier de danseuse, c’est la troupe.

En 2011, alors qu’elle a quitté le milieu du strip-tease pour celui de la danse contemporaine à la faveur d’une rencontre - encore le hasard et la chance - avec la chorégraphe Gaëlle Bourges, avec qui elle collabore toujours, elle commence à écrire par bribes ce qui deviendra ce roman, trouvant dans le quotidien d’un cabaret érotique, sa diversité de personnages, une riche matière de fiction. A l’œil nu est le nom du "sex-show du boulevard de l’Est", aujourd’hui fermé, qu’une danseuse s’emploie à faire revivre en recueillant les témoignages de ses anciennes collègues. Le livre, écrit cette narratrice dans le préambule en forme de note d’intention, "ne parlera pas tant de sexe que de travail - de travail avec le sexe". C’est une sorte de documentaire en immersion.

Alice Roland est une fille qui a du corps et de l’esprit. Voit-elle des liens entre danse et écriture ? Pas vraiment. "La danse, c’est un groupe qui s’adresse à un groupe. Avec l’écriture, on communique de solitude à solitude." Pas même la discipline : "Je fais du yoga tous les jours mais, quand j’écris, je ne suis pas du tout disciplinée."

Véronique Rossignol

Alice Roland

A l’œil nu

P.O.L

Prix : 17,90 euros, 368 p.

ISBN : 978-2-8180-2079-1

Sortie : 2 octobre

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