En 1911, Franz Kafka (1883-1924) et son meilleur ami Max Brod (1884-1968) sont deux jeunes écrivains en devenir, le second surtout, qui a déjà commis quelques textes. Le premier ne publiera sa première œuvre, Le verdict, qu’en 1912. A la ville, Brod travaille à la poste, en attendant de reprendre un jour l’entreprise paternelle. Kafka, docteur en droit, est dans les assurances, où son tempérament "normopathe" fait merveille. Son patron est content de lui. Il lui accorde donc volontiers ses vacances à Paris. Avant de s’embarquer, les deux garçons effectuent quelques préparatifs : ils rencontrent notamment Rowohlt, un tout jeune éditeur allemand installé à Prague, qui les "sponsorise", leur commandant un guide de Paris intitulé provisoirement Pour rien. En contrepartie, il leur demande d’aller voir Kremp, son ami dépressif, et de tenter de le distraire. C’est là le point de départ à toute une série de tribulations, de mésaventures farfelues, cocasses, où l’imagination et la verve de Xavier Mauméjean s’en donnent à cœur joie.
Après un voyage calamiteux, Max et Franz débarquent dans la Ville lumière le 8 novembre 1911. Apollinaire (un "Polonais apatride") vient d’être arrêté et emprisonné, accusé du vol de La Joconde. Il sera innocenté, relâché. Les deux Tchèques le rencontreront à la Ruche, et, avec son ami Léger, il les entraînera dans une bamboula à tout casser, au cabaret du Néant, place Clichy. Les deux touristes finiront au commissariat des Batignolles, étrangers donc suspects, parlant allemand alors que la guerre menace déjà, passés à tabac, déférés au tribunal, relaxés mais de justesse. Ils repartiront chez eux soulagés. Heureusement, il y aura eu durant leur séjour d’autres moments plus agréables, en canot sur le lac du bois de Boulogne, au Louvre, au bordel (le pied pour Max, un fiasco pour Franz qui souffre d’insomnies et d’un curieux sentiment de "dédoublement"), et même dans le métro, sous la houlette d’un Kremp absolument pas dépressif et franchement noceur. Y aurait-il eu méprise sur la personne ?
On laisse à Xavier Mauméjean le soin d’en instruire son lecteur, à la fin, quand, s’étant arrêtés à Leipzig où s’est installé Rowohlt, les garçons font à leur éditeur le compte-rendu de leur mission, et lui présentent le fruit de leur enquête : un Pour rien bien mince, au titre prémonitoire et… kafkaïen. J.-C. P.