TRIBUNE

Pour un usage collectif des indisponibles

Pour un usage collectif des indisponibles

Dominique Lahary, président de l'Interassociation archives bibliothèques documentation (IABD), livre son analyse après que la proposition de loi sur ces oeuvres a été amendée par le Sénat le 9 décembre.

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avec Créé le 06.03.2015 à 20h04

On l'appelait naguère la zone grise : cette masse de livres encore sous droits, mais devenus indisponibles sous leur avatar imprimé. Rien que pour l'édition française, cela se chiffre par centaines de milliers. Les rendre à nouveau disponibles, c'est possible avec le numérique. Comment ? Une entreprise dominante semblait seule dans le paysage, pour le meilleur et pour le pire. Une autre voie s'essaie en France, depuis l'accord du 1er février dernier, hélas non rendu public, entre pouvoirs publics et représentants des ayants droit.

Cet accord sur la numérisation des indisponibles du XXe siècle a son volet économique : c'est le grand emprunt, qui suppose remboursement, donc une commercialisation sous forme numérique, y compris auprès des bibliothèques. Cela passe par une ou plusieurs sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) et une société de gestion qui prendrait en charge, sauf objection de l'éditeur concerné, la commercialisation.

Il a aussi son volet juridique : il est prévu de numériser en masse ce qui a été consigné dans une base de données, laissant (cela vous rappelle quelque chose ?) les ayants droit objecter s'ils le souhaitent. D'où la proposition de loi adoptée en première lecture au Sénat, le 9 décembre.

Derrière les indisponibles se cachent les orphelins, dont les ayants droit ne peuvent être reconnus introuvables qu'au terme d'une recherche dite diligente. Une directive européenne en préparation prévoit que les bibliothèques puissent en avoir un usage gratuit et non exclusif sous réserve d'effectuer ces recherches.

La démarche française pouvait contrarier ce futur acquis, en remettant ces orphelines sur le marché y compris pour les bibliothèques. Elle a cependant l'avantage de confier les recherches diligentes, qui peuvent être longues donc coûteuses, à la SPRD. Le Sénat a trouvé une solution d'équilibre en permettant que les livres orphelins puissent être utilisés par les bibliothèques à titre gratuit et de manière non exclusive, après dix ans de recherche diligente infructueuse. C'est long, mais le principe est acté.

Mais il est dommage que le Sénat ait réduit le champ de l'orphelinat : il suffirait qu'une seule des oeuvres figurant dans le livre ne soit pas orpheline pour que le livre perde cette qualification.

Enfin, réjouissons-nous que les sénateurs aient prévu le libre accès à la base de données des livres indisponibles, gérée par la BNF, et que les droits irrépartissables au bout de dix ans pourraient être consacrés aux bibliothèques, sous une forme qui demanderait sans doute à être précisée.

Voir aussi notre article p.47

06.03 2015

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