2 mai > Histoire littéraire France

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Universitaire, spécialiste de Proust - La Table ronde réédite simultanément, dans « La petite vermillon », la biographie qu’il lui a consacrée -, Michel Erman se plie à l’exercice imposé du « Que sais-je ? » thématique, et à sa gageure : rendre compte, en 128 pages et 100 articles, d’A la recherche du temps perdu que Proust comparait parfois à une « cathédrale ». Sans compter des éclairages sur certains aspects peu connus de la biographie de l’écrivain.

Ainsi cet être que l’on décrit comme falot, souffreteux, « efféminé », sut-il faire preuve de courage. Moral, en s’opposant à sa caste et à son père pour prendre parti en faveur du capitaine Dreyfus lors de l’Affaire, pétitionnant et allant jusqu’à assister au procès inique intenté à Zola après son J’accuse. Et physique, en défiant en duel, en 1897, Jean Lorrain, qui avait attaqué son recueil Les plaisirset les jours. On se battit au pistolet, et Proust blessa son adversaire. Autre exemple : l’écrivain, présenté souvent comme « rétro », dépeignant des duchesses d’Ancien Régime attardées au XIXe siècle, était bien un homme de son temps, fasciné par la modernité et son progrès technique : il fut l’un des premiers à souscrire au téléphone, il adorait la photographie, la vitesse, l’automobile et l’avion - conduits par son chauffeur-boyfriend, Alfred Agostinelli, l’une de ses grandes passions. Enfin, cet « anorexique » raffolait du bœuf mode !

Anecdotes, si l’on veut, mais chez Proust rien n’est anodin, tout fait sens et tout fait œuvre. Le narrateur de la Recherche transpose, dans son ouvrage en train de s’écrire, ses souvenirs, ses expériences, les personnages qu’il a coudoyés : comme sa famille, ou Céleste, sa bonne.

Le précieux glossaire de Michel Erman s’ouvre sur « Albertine » et se clôt sur « Voyeurisme », ce qui n’est pas un hasard. Le narrateur, plutôt porté sur les jeunes filles et maladivement jaloux, espionne volontiers celles-ci et assiste ainsi à quelques scènes saphiques. De même, il piste le baron de Charlus, se rendant dans le bordel homo de Jupien pour s’y faire fouetter. Proust lui-même, dit-on, pratiqua. Quant à la fameuse image « faire catleya », prêtée aux ébats de Swann et d’Odette, elle provient en fait de sa propre liaison avec le jeune Lucien Daudet. La vision proustienne de la sexualité est l’une des pierres d’achoppement qui expliquent les réticences premières de Gide à son endroit et le refus de Du côté de chez Swann par la NRF. Ils se sont vite rattrapés par la suite. J.-C. P.

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