26 OCTOBRE - SOCIOLOGIE France

- T'as pas vu grand-père ?

- Il était sur le buffet hier. Quelqu'un a dû le déplacer...

Voilà ce qui arrive quelquefois avec les urnes funéraires. C'est pourquoi l'Etat se mêle aussi de nos cendres depuis 2008. Histoire de ne pas faire n'importe quoi de tante Ernestine ou d'oncle Roger, mais surtout de savoir où se trouvent les restes des défunts.

Le thème de la crémation n'est pas d'une actualité... brûlante. Il n'est pas non plus a priori très engageant à l'approche de la Toussaint. C'est pourtant avec ce sujet que le sociologue Arnaud Esquerre - déjà auteur d'un essai sur La manipulation mentale (Fayard, 2008) - a réussi un livre très original qui parle de nos morts, donc évidemment de notre rapport à la vie, mais surtout de la façon dont l'Etat gère les restes humains.

En balayant au passage la thèse de Philippe Ariès sur la disparition de la mort en Occident, ce jeune enseignant-chercheur à l'EHESS montre non seulement que la mort n'a jamais quitté physiquement nos sociétés mais que nous n'avons jamais été aussi proches de nos cendres, au point de vouloir les garder chez soi. Et c'est justement pour cela que l'Etat s'en occupe.

Trois parties structurent cette étude. La première explique comment les morts sont devenus des cendres après la Révolution française ; la deuxième s'attache à la manière dont les restes humains sont présentés dans des expositions - "Our body" en 2009 - ou des musées ; la troisième s'intéresse aux profanations - le cimetière juif de Carpentras en 1990 - et aux autopsies.

Aux confins de l'Histoire, du droit, de la religion et de l'anthropologie, Arnaud Esquerre a composé un livre passionnant, une symphonie funèbre et familiale d'où surgit ce qu'il nomme une "communauté morte vivante", une sorte de corps de la nation dispersé et changeant dont l'Etat veut garder le contrôle. Quoi qu'il advienne, celui-ci veut savoir où se trouvent ses os. Ou ce qu'il en reste.

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