Originaire de Catane, Sicile, Viola Di Grado a 24 ans. Elle vit à Londres, où elle étudie la philosophie orientale. Paru en 2011 chez Edizioni E/O, l'un des éditeurs romains les plus novateurs d'Italie, son premier roman, Settanta acrilico trenta lana, a suscité un engouement générationnel. L'héroïne, Camelia Mega, étant perçue comme le symbole du mal-être de toute une jeunesse européenne à la fois déracinée, précarisée, paupérisée, privée de repères. Le roman, déjà traduit dans plusieurs langues, a reçu quelques prix littéraires, dont le prestigieux Campiello Opera Prima.
Comme Viola, Camelia est d'origine italienne. Elle a vécu ses premières années à Turin, bienheureuses, entre son père Stefano, journaliste, et sa mère Livia, une flûtiste anglaise. Puis la famille a migré vers Leeds, la ville de l'hiver éternel. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, l'infidèle Stefano s'est tué dans un accident de voiture avec sa maîtresse. C'est la gamine qui a découvert les corps. Depuis, Livia, très perturbée, vit comme une morte, ne travaille plus, ne parle plus, reste claquemurée en pyjama dans leur maison délabrée de Christopher Road, un coin sordide de la ville.
Courageusement, l'adolescente fait face au quotidien, remplace sa mère démissionnaire. Mais elle présente certains troubles : outre qu'elle sèche ses cours, elle passe son temps au cimetière à guillotiner des fleurs ! Puis, un jour, elle trouve dans une poubelle près de chez elle des vêtements bizarres, comme conçus par un couturier psychotique. Elle s'en empare, les saccage et les recompose à sa façon, et s'en habille.
C'est à cause de cette curieuse manie qu'elle va rencontrer deux jeunes Chinois, des frères, aussi beaux l'un que l'autre. L'un, Wen, fait tourner les affaires familiales, et donne des cours de chinois. Il propose à Camelia, entrée dans sa boutique plus ou moins par hasard, de reprendre cet enseignement, qu'elle avait commencé puis abandonné. Elle est bien amoureuse de son prof, mais lui se refuse à elle. En revanche, son frère Jimmy, lui, accepte avec joie ses avances. Ils iront s'aimer tous les mercredis sur la plage de Scarborough, en secret. Jimmy est un garçon un peu bizarre, c'est lui qui confectionne les vêtements "destroy" dont Wen se débarrasse le plus loin possible.
Tout le talent de Viola Di Grado, qui fait parler son héroïne à la première personne, réside dans les rebondissements qu'elle invente et lui impose. Chaque fois que Camelia sort la tête hors de l'eau, un désastre survient : Wen se refuse toujours, Jimmy la plaque. Quant à Livia, elle se met à revivre grâce à la photographie et à son beau professeur, Francis. Tout en ignorant complètement sa fille.
La jalousie, la frustration, l'injustice peuvent mener la plus douce des créatures aux extrêmes. A fortiori une ado italienne rebelle.