Roman/État-Unis 13 février Garrard Conley

« Love in Action » (LIA), « l'amour en acte », est un programme dédié à la « thérapie de conversion ». A priori, qui dit thérapie dit soins. Il s'agit ici en vérité d'une cure courante aux Etats-Unis chez les évangéliques fondamentalistes, dont le but est de rééduquer les gays et les lesbiennes afin qu'ils se remettent dans le « droit chemin » de l'hétérosexualité. Le directeur de LIA, John Smid, du mouvement Ex-Gay, explique que si un mur est doré et que lui veut qu'il soit bleu, il priera pour qu'il soit bleu et le Ciel l'exaucera : « "Tu as raison, John, il est bleu." [Car] Dieu m'aide à rendre ce mur bleu. »

De ladite thérapie de conversion, Garrard Conlan fait un roman : Boy erased, « Garçon effacé », dont l'adaptation cinématographique sort au printemps. On est dans la Bible Belt, le Sud profond, où les Ecritures sont comprises au pied de la lettre. Le père de Garrard est concessionnaire automobile mais aspire à être pasteur et souhaite que son fils le suive sur la voie d'une piété rigoriste. Le jeune homme sort avec Chloe mais cela ne va guère plus loin que de chastes baisers, au pire, un french kiss. Ça l'arrange. Garrard s'abrutit avec sa Playstation pour oublier ce qu'il est vraiment. Bientôt il partira faire ses études, quel avenir pour leur relation ? Il ignore tous les messages de Chloe. Quand elle lui téléphone, furieuse, lui demandant à quoi rime ce silence, il répond qu'il ne sait pas. Après deux semaines, il veut la rappeler mais s'abstient. « Loin d'être soulagé, j'avais peur - de l'inconnu, de moi. Qu'étais-je en train de devenir, au juste ? » Un no man's land de doute et de culpabilité : le narrateur n'assume pas son attirance pour les garçons ; la littérature devient un refuge pour l'introversion et l'inversion - sa différence qu'il cache comme un stigmate honteux.

A l'université survient un drame qui met le feu aux poudres. Garrard est « outé » à ses parents par un étudiant pentecôtiste fou de Dieu et refoulé, celui-là même qui l'a violé. Sa mère décide de le sauver et l'inscrit à « Love in action ». Une fois passé le seuil, adieu identité d'avant ! On s'affranchit de la « fausse image » de soi : Garrard confie ses effets personnels à la direction, on le prive même de son journal intime, on déchire les pages de son carnet Moleskine. Boy erased dépeint son calvaire : les « inventaires moraux » et autres exercices d'autoflagellation psychique, et d'incessantes prières. « Seigneur, rends-moi pur. » Le sens originel de « martyr » est « témoin ».

Garrard Conley
Boy erased - Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean-Baptiste Bernet
Autrement
Tirage: 7 500 ex.
Prix: 21,90 euros ; 380 p.
ISBN: 9782746750340

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