Régis Debray, c'est l'intellectuel français par excellence, à la fois agrégé de philo et luttant aux côtés de Che Guevara dans les années 1960, donc de gauche, lorsqu'« intello de gauche » sonnait encore comme un pléonasme. Debray, c'est aussi le père de la « médiologie », néologisme qu'il a forgé pour désigner la discipline qui étudie les supports (médiums) de transmission des croyances (religion, idéologie, art) et l'incidence de la technique sur la pensée... Figure de la gauche old school, il est sans doute perçu comme un sage en chandail ayant le recul des ans, voire un ronchon limite réac... Peu lui chaut la critique. Il est au-dessus, comme l'oiseau fétiche de la déesse de la sagesse, et sourit avec stoïcisme : « "La chouette de Minerve s'envole à la tombée du jour." Traduction : La lumière se fait en nous au crépuscule. On se sent donc un peu bêta, quand arrive le soir. On n'est devenu un rien plus malin mais ça ne sert plus à rien. »
Mais là où il se révèle très français, c'est qu'il assume un certain style - lapidaire à l'instar d'un moraliste, lanceur de mots à la fronde agile, ou bretteur dont la pointe fait mouche sans avoir besoin d'aller plus avant. L'essayiste livre ici « des incipit en vrac ». Dans Éclats de rire, on goûte une réflexion par sauts et gambades. Le « pereco-castriste » (l'auteur de La vie mode d'emploi et le líder máximo lui ont appris l'exactitude) déplore le « panem et circenses du moment » (i.e. « fric et frime »), l'ordinateur qui ne pourra jamais pallier la carence de pensée : « L'objet intelligent nous rend chaque jour plus bête. » Exceptée « la machine expresso, un progrès sûr et certain ».
Éclats de rire
Gallimard
Tirage: 12 000 ex.
Prix: 8,50 € ; 64 p.
ISBN: 9782072974113