Anne Weber écrit en allemand et a assuré elle-même la version française de son livre Vaterland. Un "voyage de découverte", un récit littéraire visant à rejoindre un ancêtre dans le passé. L’auteure de Cerbère (Seuil, 2004) et de Tous mes vœux (Actes Sud, 2010) se penche d’abord sur son arrière-grand-père. Sur Florens Christian Rang, mort en 1924, qu’elle surnomme Sanderling en souvenir d’un bécasseau qu’elle a souvent vu courir au bord de l’eau, "avançant et reculant au gré du ressac".
Celui-ci projetait d’écrire un ouvrage intitulé Règlement de comptes avec Dieu, resté inachevé. Le lecteur découvre peu à peu un homme qui a eu des rencontres régulières avec une manchote. Un fonctionnaire qui s’est installé avant la Première Guerre mondiale dans une Pologne prussienne où il va séjourner une quinzaine d’années.
Sanderling s’est marié, a eu un enfant et a été envahi du désir de devenir pasteur dans un village de la région de Poznan. Anne Weber essaye de se tenir au plus près de lui. De dire la détresse, la solitude intérieure extrême de son aïeul. Un personnage intègre et tourmenté qui eut la chance de connaître et de converser avec Martin Buber et Walter Benjamin.
En chemin, on apprend que le fils de Sanderling n’a pas du tout pris la même trajectoire que son géniteur. Qu’il est devenu un ardent nazi… Avec justesse et force, l’écrivaine s’interroge sur l’autre côté du gouffre. Sur le poids d’être né Allemand. Elle qui veut à la fois ménager son "vieux père" et briser un long silence. De quoi est-on coupable ? demande-t-elle dans le pertinent et réussi Vaterland. Qui mérite amplement que l’on entreprenne à son tour le voyage. Al. F.