Il faudrait savoir ne jamais quitter Bourg-en-Bresse. Peut-être. Enfin, ne jamais quitter l'enfance, l'adolescence, les années 1970, les après-midi à la piscine Alain Gottvalès, les soirs en terrasse, les bahuts bruyants, les parents inquiets, les premiers flirts. Pour Philippe Ridet, une des grandes plumes du Monde, qui publie avec Ce crime est à moi, un premier roman (qui n'en est pas vraiment un) impeccable de nostalgie cruelle, tout ça c'était donc à Bourg-en-Bresse, préfecture de l'Ain. Et tout ça s'est interrompu un jour de l'été 1974, lorsqu'une jeune étudiante en philosophie, Martine Amouroux, a tué d'une balle en plein cœur son amant, Didier Cornaton, vingt-quatre ans, Maître-Nageur Sauveteur à la piscine municipale Alain Gottvalès de Bourg-en-Bresse. Quelque chose s'était - enfin ? - passé en ville. Quelque chose de définitif.
Pour Philippe Ridet, ce crime, jamais oublié, est moins la raison de son livre que son épine dorsale ou mieux, sa madeleine à lui. Bien sûr, il est trop instinctivement journaliste pour ne pas mener son enquête sur les circonstances du drame (qui tiennent de l'absurde camusien, à vrai dire), ses suites. Mais l'essentiel est ce retour à Bourg, qui pourrait être un retour à soi, mais un soi que l'on ne peut plus être, comme la ville elle-même a définitivement changé. Les différentes crises sont passées par là, comme l'abandon d'une vraie politique d'aménagement du territoire urbain, porteuse d'un espoir déchu d'un pays apaisé. Bref, cela s'appelle le temps qui passe, cela fait souvent de beaux livres et de grands regrets et Philippe Ridet s'en fait le témoin à la fois navré et vraiment inspiré.
Ce crime est à moi
Ed. des Equateurs
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 18 euros ; 208 p.
ISBN: 9782849907276