Richard Charkin - Pour l’Association des éditeurs britanniques, je voulais décliner la proposition. Mais quand je me suis rendu à la réunion suivante du bureau, que j’ai regardé autour de la table, j’ai réalisé que j’étais entouré d’amis autant que de confrères. Je jouais au poker, buvais des verres avec eux. Quand des amis vous demandent de faire quelque chose, vous le faites ! Et pour l’UIE, cela a été pareil. Cette association existe pour protéger et promouvoir le droit d’auteur et la liberté de publier. Sans ces deux choses, je n’aurais pas connu cette extrême satisfaction que me procure la carrière dans l’édition que je poursuis depuis 1972. Alors, naturellement, quand les amis m’ont invité à rendre quelque chose à notre secteur, comment pouvais-je dire non ?
Oui. La liberté d’expression est menacée en France, en Europe et tout autour du monde. Editeurs, auteurs et dessinateurs, nous devons rester unis pour défendre les valeurs fondamentales de la liberté d’expression, de la liberté de publier et du droit à critiquer et à polémiquer. Nous devons nous battre pour ces droits fondamentaux et l’UIE, en particulier, redouble d’efforts.
En fait, l’UIE a trois principaux buts : la protection de la liberté d’expression et de publication, l’éducation par la diffusion des écrits et, de façon plus pragmatique, la protection du droit d’auteur. Or aujourd’hui, ce n’est pas juste une position de principe. C’est un combat difficile car beaucoup d’instances nuisent, généralement involontairement, au droit d’auteur. Je ne veux pas que le copyright soit synonyme de contraintes. Il peut être très flexible mais il y a des limites à ne pas franchir. A nous d’informer, et de faire de la pédagogie.
Pas vraiment. Je ne suis pas avocat, et quand j’ai posé ma candidature pour le poste de président j’ai émis trois conditions. D’abord que l’association prenne en charge mes frais de déplacement pour l’UIE : je travaille pour une entreprise de taille moyenne, Bloomsbury, qui ne peut se permettre de les payer. La deuxième est que, n’étant pas juriste, je n’ai pas l’intention de lire chaque page de chaque texte de lois. Enfin, s’ils espèrent que je vais perfectionner mon style vestimentaire et me mettre à porter des cravates, ils seront déçus. Les autres membres ont donc élu un président dépenaillé, qui ne lit pas les documents et ne paie rien !
Pour bien défendre le droit d’auteur, il est crucial de faire comprendre ce qu’est le métier d’éditeur. Ce n’est pas simple à expliquer car nous n’imprimons pas de livres, nous ne les écrivons pas, généralement nous ne les distribuons pas. Et cette incompréhension de ce qu’est notre rôle conduit à des réflexions comme : "Un ebook devrait être gratuit car il ne coûte rien à fabriquer." Ce qui est complètement faux. Si vous comprenez le rôle d’un éditeur de contenu, tout le reste en découle.
Nous avons dû nous adapter. Et c’est aussi un changement culturel manifeste. L’industrie du livre était jusqu’alors un cercle de gentlemen avec une communauté d’intérêts, s’inquiétant des libraires, des auteurs, des agents. Nous nous comprenions. C’est beaucoup plus difficile depuis que les avocats sont entrés dans l’arène et ont décidé des conversations que l’on peut avoir ou pas.
Disons qu’on est de plus en plus prudent. Mais d’un autre côté, quelles opportunités pour notre secteur ! Les barrières d’entrée tombent, c’est une explosion de petits éditeurs, créatifs, inventifs en termes de marketing. Contrairement à ce qu’on entend trop souvent, l’industrie du livre, ce n’était pas mieux avant. Je suis dans ma soixantième année et je ne regarde pas en arrière avec nostalgie. La combinaison de la concentration du paysage éditorial en grands groupes et de la dissémination en une multitude de petits acteurs est très saine. Et les compétences des personnes qui travaillent dans l’industrie du livre sont devenues plus universelles. Par exemple, j’ai débuté comme relecteur. Ce savoir-faire est maintenant nécessaire pour un libraire qui voudrait faire un site attrayant. Chacun connaît mieux les métiers de la chaîne du livre, d’un bout à l’autre.
Plusieurs pays de l’Est, par exemple, pour des raisons que je ne m’explique pas. D’autres sont absents parce qu’ils ne peuvent payer la cotisation de 480 euros car ils sont trop pauvres. Et puis il y a la délicate question d’associations d’éditeurs que nous ne pouvons accueillir car ils ne respectent pas l’une des règles de l’UIE, à savoir que ses membres doivent être indépendants des gouvernements.
L’Association des éditeurs chinois ne peut pas être membre de l’UIE. Cependant, elle aura un statut d’invité lors du prochain congrès où il y aura une importante délégation chinoise. C’est un premier pas.
Ce sera un congrès tourné vers l’Asie évidemment, afin de mieux travailler avec les marchés asiatiques, dans les deux sens. Car traditionnellement importateurs, ces pays sont devenus, à l’instar du Japon ou de la Corée, des exportateurs de savoirs.
Je m’engage à ne pas voler d’ordinateurs pendant mon mandat. C’est vrai que lorsque j’assiste à d’interminables réunions avec des acronymes impossibles comme dernièrement sur les exceptions au droit d’auteur en matière d’éducation avec l’Ompi (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle), je suis tenté de faire des blagues. Mais je me refrène car c’est trop sérieux. Sans malveillance aucune, beaucoup d’instances violent le droit d’auteur et les conséquences peuvent être dramatiques.