C'est un homme sur un paquebot. Dans sa chaise longue, il regarde la mer. Que voit-il sur ce bateau qui le ramène une dernière fois des États-Unis vers l'Europe ? Sa fin prochaine qu'il pressent, sa vie, ses chagrins, son amour infini pour sa femme, Alma, sa quête incessante de beauté. Il est l'un des hommes les plus célèbres qui soient, compositeur et chef d'orchestre. Il s'appelle Gustav Mahler.
C'est là, dans cette longue rêverie transatlantique, alors qu'il n'a comme plus fidèle compagnon qu'un adolescent, employé de la compagnie maritime et dédié à son service, que le saisit cent-dix ans plus tard son compatriote, le grand écrivain autrichien, Robert Seethaler. Grâce aux éditions Sabine Wespieser, on sait depuis Le tabac Tresniek, Une vie entière ou Le champ (2014, 2015 et 2020) que Seethaler est le romancier de l'infinie tendresse et de l'amertume des choses. Peut-être ne l'a-t-il jamais autant été que dans ce poignant Le dernier mouvement. Au fil des pages de cette exofiction, on se prend à songerà Mort à Venise de Visconti, bercé par les accords de la Symphonie n° 5 du compositeur. Une même douceur triste s'y déploie, mais recentrée ici sur la vie de Mahler, sa difficulté à la mener justement et à supporter sa notoriété. Le musicien se remémore sa rencontre avec sa muse Alma, leurs deux enfants, et la mort précoce de leur aînée qui déchirera à jamais le cœur de ce père aimant et dont la musique sera désormais aussi le témoignage de son deuil. Reviennent les jours passés, le goût de ses montagnes, de leurs forêts et rivières, les dix années passées à diriger l'orchestre de Vienne alors qu'il se laissait trop souvent absorber par ses devoirs politiques voire mondains au détriment de son art, la rencontre guère plaisante à Paris avec un Rodin qui s'acharne contre son gré à sculpter son buste, la découverte de New York, vraie ville lumière celle-là, où il assoit définitivement son succès.
Avec une grâce infinie, Seethaler projette, compose lui aussi, cette vie comme à la lisière du réel. Il raconte, il suggère plus qu'il ne montre. On ne sait s'il s'agit d'un court roman ou d'un long haïku tant la poésie impressionniste berce ce récit. Bref, en cas de Mahler, demandez la littérature...
Le dernier mouvement Traduit de l’allemand (Autriche) par Elisabeth Landes
Sabine Wespieser
Tirage: 6 500 ex.
Prix: 15 € ; 128 p.
ISBN: 9782848054346