Comme dans La montée des cendres (P.O.L, 2013), le nouveau roman de Pierre Patrolin commence par une histoire de feu. Dans L’homme descend de la voiture, le feu ne se trouve pas dans la cheminée d’un appartement mais dans la rue. Celui-ci est tricolore et vise à régler la circulation. Il était rouge, "a pâli d’un seul coup sans passer au vert, ni clignoter orange". A l’intersection, les véhicules hésitent sur la marche à suivre, les chauffeurs attendent.
Le héros de Patrolin est l’un d’entre eux. Il a quitté le bureau avant l’heure puisqu’il avait envie de conduire, de s’éloigner du centre de la ville. Bien que d’occasion, sa voiture est neuve. Voici un solide véhicule cinq portes, gris clair, doté d’un bon moteur. Monsieur effectue un petit tour en forêt, au milieu du lisier et des feuilles, avant de rentrer dans sa maison avec jardin auprès de Françoise.
Françoise à qui il dit tout depuis toujours. A qui il parle de ses envies et de ses peurs. Françoise qui aime le vin, prépare du risotto, va au cinéma avec une amie ou applaudir un magicien. Françoise qui tousse, a le hoquet, lui raconte le dénouement du livre qu’elle vient de terminer.
Notre homme entretient un rapport fort à sa voiture et aux déplacements. Il a régulièrement besoin de rouler à travers les faubourgs, les zones commerciales, en direction du soleil couchant. En longeant les enseignes électriques, les néons, les magasins et les entrepôts. A moins qu’il ne remonte la vallée, en suivant la rivière.
On le sent minutieux et précis. Sensible aux détails, aux odeurs, aux couleurs et aux sons. Tout comme il peut l’être au goût du vin, du fromage de Roquefort ou de brebis. A celui de Françoise quand elle jouit sous ses caresses. Un jour, alors qu’il cherche un cahors dans la cave, il y trouve par hasard un fusil ancien. Arme dont il ignore la provenance et dont il ne parle pas à Françoise…
Pierre Patrolin réussit une nouvelle prouesse narrative. L’homme descend de la voiture est un puzzle pour le moins étrange et lancinant, où un escargot et une mouche vont d’abord mal finir. L’auteur de La traversée de la Franceà la nage (P.O.L, 2012, repris chez J’ai lu), on le sait, s’est imposé dès son coup d’essai comme un expert en expérimentation littéraire de haut vol. Il affine encore ici sa manière de jouer avec l’étrangeté de situations apparemment banales. L’écrivain possède un don singulier pour la répétition. Pour hypnotiser le lecteur, donner corps à un système obsessionnel, où l’on se fond page à page. Al. F.