Avant-critique Essai

Sarah Jean-Jacques et Sophie Pointurier, "Le déni lesbien. Celles que la société met à la marge" (HarperCollins)

Sarah Jean-Jacques et Sophie Pointurier - Photo © Marie Rouge

Sarah Jean-Jacques et Sophie Pointurier, "Le déni lesbien. Celles que la société met à la marge" (HarperCollins)

Dans cet essai, Sarah Jean-Jacques et Sophie Pointurier rassemblent les récits de personnalités homosexuelles pour saisir les enjeux de la visibilité lesbienne en France.

Parution 18 septembre

J’achète l’article 1.5 €

Par Marie Fouquet
Créé le 17.09.2024 à 09h00

Paroles situées. « Prendre la parole pour témoigner d'un point de vue situé, même collectivement, est une démarche encore risquée dans notre société. » Cette enquête menée par la chercheuse et romancière Sophie Pointurier et la sociologue Sarah Jean-Jacques à partir de vingt entretiens avec des femmes identifiées dans l'espace public comme lesbiennes montre l'actualité du déni collectif qui se joue autour de la lesbophobie. D'emblée, les autrices posent le paradoxe de leur recherche : donner à entendre des voix et des récits d'expériences lesbiennes et démontrer qu'être identifiée comme lesbienne entrave la carrière d'une femme. Si ce texte permet de se rendre compte à quel point il est difficile de traduire l'expérience de la lesbophobie et de se situer en dehors des normes sociales, l'objectif du Déni lesbien est aussi d'archiver ces expériences et d'aborder les « effets positifs du coming out [...], l'immense bonheur de se présenter au monde telle que l'on est ».

Qu'elles évoluent dans un cercle musical, artistique, sportif ou encore médiatique, les femmes qui prennent la parole dans ce livre témoignent de leur expérience depuis la révélation de leur homosexualité et racontent les conséquences de ce coming out sur leur vie personnelle et professionnelle. Parmi elles, la journaliste Charlotte Bienaimé, la romancière Fatima Daas, l'humoriste Shirley Souagnon, la musicienne Aloïse Sauvage, la réalisatrice Carole Cassier... D'autres récits extraits d'émissions ou d'articles de presse s'ajoutent à ceux des interviewées. Ainsi l'on croise également Pomme, Adèle Haenel, Muriel Robin...

En septembre 2023, sur le plateau de l'émission de télé « Quelle époque ! », Muriel Robin s'exprimait en ces termes : « Quand on est homosexuelle, on n'est pas désirable, on n'est pas pénétrable et, quand on n'est pas pénétrable dans cette société et dans le cinéma, on ne vaut rien. » L'humoriste et actrice a longtemps été la seule à s'être affirmée comme lesbienne dans le milieu du cinéma et de l'audiovisuel. Elle raconte à quel point son coming out l'a marginalisée. Ce témoignage entendu alors qu'elles travaillaient sur ce texte a encouragé Sophie Pointurier et Sarah Jean-Jacques à mener à bien leur projet. Le déni auquel les lesbiennes font face est double : il y a d'un côté le déni de leur existence, et de l'autre, celui des violences qu'elles subissent. Cela alimente finalement le phénomène d'invisibilisation qu'elles connaissent.

Les deux autrices du Déni lesbien rappellent l'importance, dans la construction personnelle, de s'identifier à des « figures pour s'assurer que l'on n'est pas seules au monde ». Or ces représentations de femmes lesbiennes se font encore rares, notamment dans le cinéma ou le paysage audiovisuel. Avec ce texte, il s'agit de rendre leur visibilité à des femmes telles qu'elles décident de se présenter au monde. Loin de l'injonction, ce livre entend porter une parole collective et un espace non soumis aux normes. Se lever et se casser ou s'asseoir et écrire, « tous les moyens sont bons pour s'opposer à un système qui reproduit des rapports de dominations ».

Sarah Jean-Jacques et Sophie Pointurier
Le déni lesbien. Celles que la société met à la marge
HarperCollins
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 20,90 € ; 208 p.
ISBN: 9791033915775

Les dernières
actualités