21 mars > Essai France

Précurseur dans le domaine des sciences de la vie, Pierre-Louis Moreau de Maupertuis (1698-1759) annonça les travaux d’un Darwin sur l’évolution ou d’un Mendel sur l’hérédité. Mais ce n’est pas pour cela que son nom est passé à la postérité. Ce Malouin, fils de corsaire et un temps mousquetaire du roi, est resté célèbre dans les annales de l’histoire des sciences pour avoir démontré l’aplatissement de la Terre aux pôles.

Pour cela, il monta une expédition en Laponie qui fut une authentique épopée. En moins d’un an, dans des conditions extrêmes, il mesura avec ses collègues la longueur de l’arc méridien. Grâce à lui, la théorie de Newton sur la gravitation l’emporta sur celle de Descartes, au grand dam des défenseurs d’un cartésianisme patriotique, et Maupertuis devint célèbre dans toute l’Europe.

Catherine Bousquet raconte cela avec passion. Elle nous immerge aussi dans les débats de l’époque avec, déjà, les coteries parisiennes, les petits arrangements académiques, les salons où s’affine l’art de la conversation, les amours imprudentes qui transmettent les maladies vénériennes et Voltaire qui trône du haut de son magistère intellectuel.

Dans cette petite société très codifiée, Maupertuis ne s’en sort pas si mal. Un peu trop bien même, au regard de quelques-uns, puisqu’il suscite des jalousies qui se transforment en haine féroce, à commencer par celle de son ancien ami Voltaire à qui il avait soufflé sa maîtresse, Emilie du Châtelet.

Académicien français, Maupertuis préside aussi, à la demande de Frédéric II de Prusse, l’Académie des sciences de Berlin. Dans cette Europe galante et turbulente, il est un personnage important que l’on accuse de plagiat parce que sa pensée complexe et subtile dérange au moins autant que sa renommée. Catherine Bousquet, à qui l’on doit plusieurs ouvrages de vulgarisation sur la génétique et le vivant (Bêtes de sciences, Seuil, 2003 ; Darwin, l’homme qui osa !, Belin, 2009), nous montre un savant aventurier qui mettait beaucoup d’élégance et quelquefois un brin de libertinage dans sa pensée. Une vie audacieuse, guidée par le plaisir de comprendre et de faire des hypothèses. Tout comme cette biographie qui nous entraîne dans ces Lumières qui eurent aussi leurs zones sombres. L. L.

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