"C’est douloureux de naître ?" Rachel Shalita surgit dans un kibboutz israélien, en 1949. Spécialisée dans l’éducation artistique, elle écrit des pièces de théâtre et des nouvelles. Cette francophile contribue aussi à l’ouvrage d’apprentissage L’hébreu au présent. Elle publie son premier roman cette année. Celui que les nouvelles éditions L’Antilope (1), ont choisi comme coup d’envoi. Leur désir ? S’ouvrir "aux cultures juives des cinq continents. Et faire découvrir de grands textes en yiddish ou des écrivains contemporains israéliens, judéo-américains et européens". Mission réussie avec ce joli texte plein d’émoi. Comment ne pas adopter Véra, cette héroïne confondant la littérature et la vie ? Elle grandit entre des parents aimants, mais déchirés. Artiste, son père part de longs mois pour Paris. "Les papillons vont là où ils veulent avec leurs ailes." Sa mère, malade, se bat pour sa vie. L’auteure trouve le bon ton pour retracer la vision du monde de cette enfant qui se sent abandonnée. C’est là qu’elle rencontre Tsiona, son âme sœur. La douceur de vivre de Véra est toutefois brisée par des épreuves. "C’est fou comme elle est trop sensible. Où trouvera-t-elle sa place ?" Dans l’art et la lecture. Après un départ pour la France, elle revient au pays. Or le kibboutz, rêve communautaire et égalitaire de Tsiona, ne lui convient pas. "Nous façonnons l’Histoire à notre insu." A travers sa copine, on perçoit ces pionniers idéalistes, prêts à se battre pour ériger et fertiliser la terre d’Israël. Ainsi, le poète Yossef, survivant de la Shoah, apprend l’arabe "dans la perspective de notre coexistence". Une figure de l’amour rimant avec toujours, au même titre que l’amitié. Mais devenir adulte, c’est pouvoir "dire adieu à ceux avec lesquels on grandit. Chacun redevient un individu. Parfois, les gens font des choses impardonnables pour pouvoir continuer à vivre." K. E.
(1) Voir LH 1059, du 23.10.2015, p. 30.