17 mars > Histoire France

Voici un livre qui tombe à pic dans une période difficile pour l’agriculture française. Il permet de saisir par le regard éloigné de l’historien les mutations d’un secteur qui fut dominant dans les années 1930. Eric Alary rappelle le rôle majeur joué par les paysans lors de la Première Guerre mondiale puis dans la reconstruction du pays après 1945. Sans eux, la France ne serait jamais devenue autosuffisante sur le plan alimentaire.

Historien spécialiste de la vie quotidienne des Français au XXe siècle, auteur d’ouvrages remarqués sur La ligne de démarcation (Perrin, 2003) ou L’exode (Perrin, 2010), Eric Alary était tout indiqué pour se saisir de ce vaste territoire rural. Son récit commence à la Belle Epoque, au moment où la IIIe République achève d’initier les paysans à la démocratie. C’est la fin des terroirs et l’émergence d’une nouvelle appartenance commune renforcée par le service militaire. Ces nouvelles règles entraînent une modernisation du secteur qui commence par la mécanisation. Avec le chemin de fer, les villes se rapprochent des campagnes, à moins que ce ne soit l’inverse. Dans cette société campagnarde très familiale, les enfants sont de plus en plus tentés par le confort des villes face à la précarité des champs. Deux guerres mondiales plus tard et quelques crises économiques en sus, le monde paysan n’est plus reconnaissable. Il ne se reconnaît plus lui-même. Tout est allé très vite, trop vite sans doute. On ne parle plus de paysans mais d’agriculteurs, puis d’exploitants agricoles dans les années 1960 avec l’idée de rentabilité à tout prix. La production s’emballe, les prix s’effondrent et les paysans paient cher cette marche forcée vers le progrès. Sans défendre de thèse, par le seul biais d’un récit maîtrisé, sans nostalgie mais sans oubli, Eric Alary fait prendre conscience d’un monde en perdition. L. L.

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