Thierry Jonquet est mort dimanche 9 août à l'hôpital de la Salpêtrière à Paris. Né le 19 janvier 1954, il était une figure du nouveau polar français, avec la violence sociale pour thème privilégié.
Antifasciste convaincu, il avait milité au sein de Lutte ouvrière, puis de la LCR et enfin de Ras le front. Il avait raconté cet engagement dans Rouge, c'est la vie (Le Seuil), où il écrit : « J'écris des romans noirs. Des intrigues où la haine, le désespoir se taillent la part du lion et n'en finissent plus de broyer de pauvres personnages auxquels je n'accorde aucune chance de salut. Chacun s'amuse comme il peut. »
Il découvre le roman noir à l'âge de 23 ans
Car Jonquet fut surtout reconnu comme un des grands écrivains de romans policiers français. Dans Livres Hebdo 659, Jean-Maurice de Montrémy qualifiait son dernier livre, Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte (Le Seuil), de « suspens magistral », appuyé comme toujours sur une solide « documentation sociale et politique ». Ce livre, qui lui valut la médaille d'honneur de la Licra en 2007, « marque à la fois son évolution intellectuelle et l'affirmation de son immense talent de romancier », remarque son éditeur.
Auteur prolifique, il a écrit, sous son nom ou sous pseudonyme — Ramon Mercader, Martin Eden, Phil Arthur... — une vingtaine de romans, une cinquantaine de nouvelles, cinq scénarios de bande dessinée (édités chez Casterman, avec Jean-Christophe Chauzy au dessin), des novélisations de scénarios et des récits. Ses nouvelles sont parues dans des revues, des magazines (Télérama, Chorus...) et des journaux (Libération, Le Monde). Des romans pour la jeunesse, on retiendra surtout la série des « Lapoigne » (Nathan et Gallimard).
Jonquet n'avait découvert l'univers du roman noir qu'en 1977. Ergothérapeute dans un service de gériatrie, il ne publia son premier livre, Mémoire en cage (Albin Michel, dans la collection « Sanguine »), qu'en 1982. Dès son deuxième livre, Mygale, en 1984, le jeune écrivain eut droit aux honneurs de la « Série noire » de Gallimard. La bête et la belle en 1985, numéro 2000 de la même collection, reçu le trophée 813 du meilleur roman.
Avec Les orpailleurs et Moloch (Gallimard), il avait reçu deux fois le prix Mystère de la critique et le trophée 813 du meilleur roman. Les orpailleurs fut aussi couronné du prix Polar Michel-Lebrun.
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Bibliographie partielle
Mémoire en cage, Albin Michel, 1982
Mygale, Gallimard, 1984
Du passé faisons table rase !, 1984, Actes Sud, « Babel », 1998
Le Bal des débris, Fleuve noir, 1984
La Bête et la belle, Gallimard, 1985
Le Secret du rabbin, Denoël, 1986
Le Manoir des immortelles, Gallimard, 1986
Comédia, Payot, 1988, Actes Sud, « Babel », 1988
Le pauvre nouveau est arrivé, Manya, 1990, Librio, 1998
Trente-sept annuités et demi, Le Dilettante, 1990
Les Orpailleurs, Gallimard, 1993
La Vie de ma mère !, Gallimard, 1994
L'Enfant de l'absente, Le Seuil, 1994
Moloch, Gallimard, 1998
La Vigie et autres nouvelles, L'Atalante, 1998
Rouge, c'est la vie, Seuil, « Fiction & Cie », 1998
Jours tranquilles à Belleville, Méréal, 2000
Ad Vitam Aeternam, Seuil, « Fiction & Cie », 2002
Ils sont votre épouvante, et vous êtes leur crainte, Seuil, 2006.