“La pétition lancée récemment par Bibliothèques sans frontières et appelant à ouvrir les bibliothèques le soir et le dimanche retient l’attention des politiques, des intellectuels, et de la population tout entière : enfin, les bibliothèques dans leur diversité font l’objet d’un débat public et ceci devrait suffire à susciter chez les bibliothécaires un sentiment de reconnaissance à l’égard de BSF ! Soulignons que les personnels ne sont pas attaqués, mais qu’il s’agit bien d’une déclaration publique d’un besoin de bibliothèques, qui appelle une réponse politique.

Le moment serait-il enfin venu d’analyser pour le résoudre le paradoxe français des bibliothèques ? Dans un pays célébré pour sa richesse culturelle et son école républicaine, on ne peut qu’être consterné de la faible considération accordée aux bibliothèques, traitées comme des variables d’ajustement budgétaire, des parents pauvres des politiques culturelles territoriales. Un fossé semble s’être creusé entre la réalité de ce que sont devenues au XXIe siècle les bibliothèques, et une perception collective bloquée sur une image du passé ; chaque bibliothécaire pourrait citer pléthore d’exemples démontrant à quel point la France méconnaît la diversité et la richesse du contenu et des activités de ses bibliothèques. Les faibles taux d’inscription et de fréquentation témoignent de ce malentendu, mais ils interrogent également sur les horaires d’ouverture proposés.

A l’heure où les discours convergent vers le constat de difficultés d’apprentissage de la lecture, de reproduction des « élites » dans les parcours scolaires et dans la fréquentation des lieux culturels, peut-on sérieusement concevoir de s’opposer par principe à l’ouverture des bibliothèques le soir et le week-end ? Les mêmes qui estiment que les horaires actuels sont bien suffisants trouveraient-ils acceptable que l’on ferme les musées et les cinémas en même temps que les bibliothèques ?

Bien entendu, ouvrir davantage, et surtout le soir et le week-end, nécessite des moyens spécifiques. On ne peut pas raisonnablement envisager d’imposer de travailler tous les soirs et tous les dimanches à des personnes qui n’ont pas été recrutées dans cette perspective. Mais c’est bien une prise de conscience politique, et elle seule, qui pourra conduire à des investissements adaptés aux besoins du pays en matière de bibliothèques, et à une réflexion juste sur les moyens mis à disposition du fonctionnement et sur l’organisation du travail dans ces bibliothèques.

C’est pourquoi, quelles que soient les réserves que l’on peut formuler, je suis convaincue qu’il faut saisir cette opportunité historique d’un débat public sur les bibliothèques en France, et soutenir l’initiative de Bibliothèques sans frontières.”