28 août > Récit Sri Lanka

Au matin du 26 décembre 2004, alors que la famille anglo-srilankaise Lissenburgh - le père, Steve, sa femme, Sonali, les parents de cette dernière, et leurs deux fils, Vikram et Nikil dit Malli ("petit frère") - coule des jours tranquilles de vacances dans son pays d’adoption, un tsunami d’une amplitude jamais vue dans la région frappe l’Indonésie et le Sri Lanka de plein fouet, avant d’aller percuter les côtes sud de l’Inde. Parmi les dizaines de milliers de victimes surprises en quelques secondes, les Lissenburgh payent un lourd tribut : seule Sonali, coincée dans un 4×4 où elle s’était réfugiée avec l’un de ses fils, s’en est tirée. Après une longue période de prostration, d’incrédulité, de refus d’admettre l’inéluctable, de culpabilité terrible - "pourquoi ai-je survécu, pourquoi n’ai-je pas pris le temps de prévenir mes parents, pourquoi, mère, n’ai-je pu sauver mes enfants ?" -, de violence et de pulsions suicidaires (alcools, médicaments…), Sonali Deraniyagala, soutenue par son "extraordinaire psychiatre", qu’elle remercie à la fin, et par une solidarité familiale sans faille, tant des siens, des Cingalais bouddhistes de la grande bourgeoisie de Colombo, que de celle de Steve, a décidé de confier au papier ce qu’elle avait si longtemps gardé pour elle. Au plus profond. Ses souvenirs, la façon dont elle a vécu le drame, mais aussi toute sa vie d’avant, ces années de bonheur sans nuages qu’elle ne retrouvera jamais. Bien qu’elle soit encore jeune, pas question pour elle, apparemment, de "refaire sa vie".

Wave n’est en aucun cas un livre témoignage de plus sur une catastrophe, c’est un récit littéraire tout en puissance et en dignité. Sonali Deraniyagala n’est pas une femme qui pleure facilement. Durant dix ans, elle a erré de leur maison de Londres à celle de son enfance à Colombo, devenues des tombeaux vidés de leurs occupants, mais pleins de leurs objets, de leur présence, comme s’ils allaient revenir dans un instant. Il y a de tout petits détails de sa vie d’avant qui ressurgissent à chaque pas, des pages bouleversantes, tendres, poétiques et pleines d’humour. De même, le passage où son frère décide, en 2010, de vider la maison de leurs parents, comme pour pouvoir clore cette longue période de deuil. A la fin, d’ailleurs, Sonali va "mieux", on la sent pacifiée, réconciliée avec elle-même, travail que son livre catharsis a certainement contribué à accélérer.

Cette femme d’exception, professeure d’économie à l’université de Londres - c’est à Cambridge qu’elle avait rencontré Steve, économiste également -, est actuellement chercheuse invitée à l’université de Columbia, à New York, où elle travaille sur des problématiques économiques, dont des plans de reconstruction après une catastrophe naturelle.

J.-C. P.

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