De septembre 1977 à juillet 1979, René de Ceccatty a vécu au Japon et ce pays est devenu, avec l'Italie, son territoire de cœur. Profitant du tri de ses archives en vue d'un don à l'IMEC, l'écrivain et traducteur revisite ce séjour fondateur qui a orienté toute sa vie, tant intellectuelle, artistique que sentimentale, ces Années japonaises, celles de ce premier voyage mais aussi toutes celles qu'il a ensuite consacrées à ce pays et à sa culture. Il tente donc de rejoindre le jeune homme de 25 ans qu'il fut, s'installant à Tokyo, en couple avec Cécile qui n'ignore rien de son goût pour les garçons. Juste avant le départ, il a par ailleurs signé son premier contrat avec les éditions de la Différence. Il écrit depuis dix ans. A l'Institut franco-japonais où il donne des cours de littérature, il se lie à Ryôji, l'un de ses étudiants, une rencontre qui va déclencher une violente crise et marquer définitivement ses choix.
Plus qu'un « retour » qui lui paraît impossible et artificiel, sur ce passé vieux de plus de quarante ans, ce récit est une analyse approfondie du processus de transformation des souvenirs par le refoulement, la culpabilité, l'oubli. Une lucide et mélancolique méditation sur la mémoire. Sur l'aide illusoire des archives pour ranimer « le présent du passé ». Comme auteur de biographies, René de Ceccatty connaît leur fausse authenticité, leur statut de « pièces à conviction », utiles pour convoquer des lieux, des décors, ici souvent disparus, préciser des faits et des dates mais qui ne peuvent pas rivaliser avec la « mémoire vive ». Et le cas d'un écrivain dont l'œuvre a été nourrie d'autobiographie-, cette mémoire « rendue artificielle par trop de remémorations volontaires », cette opération de réinterprétations des souvenirs infusés dans les livres, et au passage altérés, par la mise en récit autant que par le temps. C'est dans cet état d'esprit qu'il relit les lettres envoyées du Japon à sa mère qui font office de journal où il aperçoit un jeune homme se décrire déjà comme un personnage de roman. Il se revoit aussi en garçon autocentré dans celles qu'il lui adresse plus tard, quand, rentré à contrecœur du Japon, il s'installe pendant six mois dans le Devon avec Ryôji, qui sera son compagnon jusqu'en 1994 et avec qui il traduira des dizaines d'écrivains japonais, leur collaboration survivant encore vingt ans à la fin leur histoire. Comme les lettres, les photos s'avèrent être des « aide-mémoire éventés » : impuissance à l'égard de son Japon de réaliser « le miracle du temps retrouvé à l'état pur ». « Je ne suis pas sûr d'atteindre celui que j'ai été », reconnaît-il. Peu importe, c'est l'obstination sincère de la quête qui touche.
Mes années japonaises
Mercure de France
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 18 euros ; 248 p.
ISBN: 9782715253049