En 1993, lorsque Gilles Tiberghien publie Land art, il n'existe pratiquement aucun écrit théorisant le mouvement d'art contemporain qui utilise les éléments que la nature met à disposition des artistes. L'ouvrage qui présente pour la première fois ensemble James Turrell, Dennis Oppenheim, Charles Ross ou Michael Heizer est devenu introuvable. Dominique Carré, qui avait édité la première version, nourrit depuis plusieurs années la volonté de le rééditer. "La réédition de ce livre coûte plus de 50 000 euros - dont 18 000 euros dus à la société de droits d'auteur", explique-t-il. Car si la plupart des artistes ont fait cadeau de leurs droits, les sociétés d'auteurs demandent tout de même leur part.
"Sans une idée improbable comme celle qui nous est venue en rencontrant Stefano Bianchi et Crowdbooks, une réédition de Land art n'a aucune chance de voir le jour", poursuit l'éditeur. Sur le modèle de la prévente, les internautes peuvent souscrire sur le site : de 39 à 250 euros. Le nom du contributeur apparaîtra à la fin de l'ouvrage et recevra un livre signé par l'auteur et numéroté, accompagné d'un cadeau : un cyanotype (tirage bleu aux sels de fer) d'une oeuvre de Dennis Oppenheim pour ceux qui auront donné 250 euros.
Stefano Bianchi, graphiste et directeur artistique, a monté à la fin de 2011 Crowdbooks, une maison d'édition proposant un financement participatif, via les internautes. La pratique est à la mode et s'adapte bien à l'art contemporain qui repose sur un petit public captif, qui fonctionne souvent en réseau. Jusqu'alors, Stefano Bianchi ne travaillait que directement avec les artistes et les photographes, notamment de l'agence Magnum. Il vient d'ailleurs d'éditer son premier livre, Green de Daniele Dainelli, que Crowdbooks diffusera dans les réseaux spécialisés en art contemporain. "Depuis un mois, beaucoup d'éditeurs me contactent, raconte Stefano Bianchi. Le livre d'art représente des investissements conséquents et, en période de crise, les éditeurs ne peuvent pas se permettre de se planter. Crowdbooks, permet de tester l'idée auprès d'une communauté avant de se lancer." Trois semaines après sa mise en ligne, le projet de réédition de Land art a réuni un cinquième de son financement.