Après La maladie du roi (Le Cherche Midi, 2013), premier roman courageux consacré à la fistule de Louis XIV, Christian Carisey confirme sa passion pour l’histoire et progresse à reculons dans le temps, puisqu’il écrit ici le "vrai-faux" testament de Descartes (1596-1650). Carisey, qui confie n’avoir "pratiquement rien inventé" mais revendique quelques personnages pour des raisons romanesques, s’est livré à une reconstitution méthodique de la vie du philosophe, "plus grand mort que vivant", même s’il fut salué en son temps comme un esprit hors du commun, tant par certains de ses confrères, savants, clercs et écrivains, que par quelques grands de ce monde, comme la princesse (dépressive) Elisabeth de Bohême, ou la reine (tyrannique) Christine de Suède, qui furent ses protectrices. La première surtout. La seconde, elle, le considérait comme un laquais, lui imposant des conversations théologiques à cinq heures du matin pour savoir si, luthérienne, elle devait se convertir au catholicisme ! Ce qu’elle finit par faire. Mais l’exercice répugnait au philosophe, lui qui, bon catholique, s’est tenu à l’écart des querelles religieuses de son temps, et aussi parce que ces conditions matérielles imposées, ajoutées au rude climat de Stockholm, finissaient de ruiner sa santé. Il est d’ailleurs mort dans son exil. Descartes avait également de solides ennemis, en particulier à la cour de Suède, et des rumeurs d’empoisonnement ont circulé.
Cela, on l’apprend dans le précieux "Post-scriptum" que Carisey a ajouté au texte du pseudo-Descartes. Le moderne y prend ses distances avec la première biographie du philosophe, publiée en 1691 par le curé Adrien Baillet, une tentative de pieuse hagiographie, alors qu’il se voulut toujours un homme libre, un penseur rationnel et scientifique. On y suit aussi les incroyables tribulations des restes de Descartes, toujours dispersés à Paris alors qu’il mériterait largement le Panthéon. Curieux, personne n’en parle. L’un des plus grands esprits français ne serait-il pas prophète en son pays ? Ou lui fait-on payer son amour des Pays-Bas, terre de tolérance ? En attendant, c’est un Descartes décapé que Christian Carisey nous donne à redécouvrir, et en français d’aujourd’hui.
J.-C. P.