Dans l’Egypte ancienne, le mot ka désignait l’une des composantes de l’individu, le « moi social ». Joli choix pour un pseudonyme. Né à Beyrouth en 1967, d’un père égyptien installé au Liban et d’une mère belge « de passage », Olivier a quitté ce pays à l’âge de 4 ans et n’en conserve « aucun souvenir ». Il n’y est jamais retourné, mais il aimerait bien, à la recherche d’une partie de ses racines. Il ne s’appelle pas Ka, mais Carali, comme son père, le dessinateur de BD d’humour, lequel a débuté à Pilote sous Goscinny, puis est passé par L’Echo des savanes et Hara-Kiri, avant de créer son propre magazine, Psykopat, il y a maintenant un quart de siècle. Un journal où l’on travaille en famille, puisque Edika, l’une des vedettes de la maison, se nomme en réalité Edouard Karali, frère du patron et oncle d’Olivier. On comprend pourquoi ce dernier préfère signer sous son nom propre, même transparent : Ka. D’autant que, depuis vingt-quatre ans, il publie dans Psykopat une nouvelle par mois, production qui a nourri Bioutiful Weurld, son premier livre, un recueil paru chez Zébu en 1995, et illustré par un certain Edika ! « Ça a bien marché, dit l’auteur, on m’en parle encore.» Ça l’a, en tout cas, conforté dans sa passion pour l’écriture.

Dès 5 ans, pourtant, le petit Olivier voulait faire du théâtre. A 16, sans le bac («J’étais mal à l’aise à l’école, reconnaît-il, je ne lisais même pas un livre, seulement des BD »), il devient régisseur de plateau, puis se lance dans l’improvisation théâtrale, une discipline venue du Canada. Il intègre même la Lifi, la Ligue d’Ile-de-France d’improvisation, où un élève appelé Jamel Debbouze fit ses gammes. Ensuite, il participe à la fondation de Joystick, magazine spécialisé dans les jeux vidéo. Il y reste deux ans, en tant que « testeur », écrivant ses premiers textes, avant d’envoyer à son père, chez Psykopat, une première nouvelle, anonymement. « C’est une fois qu’elle a été acceptée que je lui ai avoué que j’en étais l’auteur», raconte Olivier Ka. Embrassons-nous, Folleville !

Après quoi, au bout de quatre ou cinq tentatives ratées, il parvient à achever un premier roman « pour adultes », Je suis venu te dire que je suis mort, qui paraît chez Florent Massot en 1997. Les critiques sont bonnes, mais l’éditeur connaît des difficultés, le livre disparaît vite des librairies. Olivier, qui se considère comme un « adulescent », se voit commander par Grasset un roman jeunesse, Le manteau du Père Noël, publié en 2000. «C’est une formidable école d’écriture, explique-t-il aujourd’hui, avec pas moins de vingt-six titres de ce genre à son palmarès. Il ne faut pas écrire pour la jeunesse, mais se débarrasser de son statut d’adulte. Etre sincère, abordable et efficace : savoir construire une vraie histoire, en 30 000 signes !» Dans sa production voisinent des albums pour les tout-petits - « J’adore ça, c’est presque de la poésie », dit-il - et des romans de plus en plus destinés à de « jeunes adultes ». Ce qui explique qu’aujourd’hui, sans quitter « ce terreau de l’adolescence » et ses problématiques, il ait décidé de privilégier l’écriture de romans pour adultes. Comme Un cœur noir, qui paraît prochainement.

Multiples talents.

L’histoire de Melkior, un ado influençable, négligé par ses parents - du moins le pense-t-il -, martyrisé par son patron chez qui il est soudeur, qui va se trouver entraîné dans de sombres trafics à cause d’un petit voyou de son quartier, et faire la rencontre de François, un homo dénué de toute arrière-pensée, mais bizarre. Un roman d’initiation, avec quelques épisodes autobiographiques : « Comme moi à l’époque, confie l’auteur, Melkior déteste la lecture. J’ai aussi connu un patron affreux !» Il a vécu par ailleurs une sombre affaire d’abus sexuels, et en a fait un scénario de BD, Pourquoi j’ai tué Pierre, dessiné par Alfred, l’un de ses copains. Paru en 2006 chez Delcourt, l’album a remporté de nombreux prix, dont L’Essentiel, à Angoulême en 2007.

Tombé dans le chaudron de la BD quand il était petit, Olivier a, entre autres choses, signé un album avec Mélaka (alias Mélanie Karali, sa sœur), ainsi que l’adaptation du Magasin des suicides de Jean Teulé, avec Domitille Collardey (Delcourt, 2012). « Je ne travaille jamais sur commande, dit-il, mais Jean est un ami de mes parents, et son bouquin un petit bijou. Il était ravi qu’on lui ait conservé sa fin ! »

Olivier Ka, à qui ses talents multiples permettent de « vivre libre », continue de les cultiver : tout en poursuivant ses one-man-show littéraires dans des salons du livre, il prépare, chez Plon et « dans le même registre », un autre roman pour « adultes restés jeunes ». Et va publier entre-temps deux livres pour les enfants : Quand je serai vieux je serai teigneux, avec Carole Chaix, et Mon arbre à secrets, un pop-up avec Martine Perrin, aux éditions des Grandes Personnes. Ça ne s’invente pas.Jean-Claude Perrier

Un cœur noir, Olivier Ka, Plon, 204 p., 14,90 euros, tirage : 4 000 ex., ISBN : 978-2-259-21884-9, mise en vente le 11 avril.

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