Discret et énigmatique, Thierry Dancourt ressemble à un personnage de ses livres. Sa montre indique sept heures vingt alors qu'il est midi. Il ne possède pas de téléphone portable, continue d'utiliser les rares cabines qu'il trouve sur son chemin. Cet écrivain à la prose subtile et à l'univers rappelant celui de Patrick Modiano, on l'a découvert en 2008. Lorsque La Table ronde proposait d'entrer dans son Hôtel de Lausanne. Le débutant eut alors un bon écho dans la presse et chez les libraires. Son coup d'essai rafla même dans la foulée le prix du Premier roman et le prix Bertrand-de-Jouvenel de l'Académie française, avant d'être repris en poche (10-18).

Dancourt a épaté plus encore deux ans après, avec le lancinant Jardin d'hiver (La Table ronde, 2010). En cette rentrée, le revoilà en librairie avec Les ombres de Marge Finaly, sans doute son texte le plus abouti. On retrouve tout son art du flottement et de la suspension dans une histoire mystérieuse qui oscille entre la fin des années 1970 et le milieu des années 1980. Entre les rues de Paris et un séjour à Ostende...

Pour gagner sa vie, Thierry Dancourt est concepteur-rédacteur dans la publicité. Il travaille chez lui, dans le 9e arrondissement, et rédige principalement des textes techniques destinés au domaine immobilier. Né en 1962 à Montmorency, dans le Val-d'Oise, au sein d'une famille nombreuse appartenant à la classe moyenne, il a grandi à Vitry-sur-Seine, une banlieue "dense". Après avoir fréquenté le même lycée que Tonino Benacquista et Maurice G. Dantec, où il a obtenu un bac C sans aptitude particulière pour les mathématiques, il envisage un temps de faire de la photographie.

Il a préféré combiner histoire de l'art et lettres modernes, se spécialiser en linguistique. S'il a toujours aimé la littérature, il y plonge vraiment avec le Philip Roth de Portnoy et son complexe et de Quand elle était gentille. Avec le nouveau roman : L'emploi du temps et La modification de Butor, les écrits théoriques de Robbe-Grillet, Duras. Dans les années 1980, il s'immerge dans Modiano dont il attrape l'oeuvre au moment d'Unejeunesse. Depuis la fac, il avait envie d'écrire mais restait "en observation" tant il se méfiait du genre romanesque.

Un lieu ou une ambiance

Il rédige d'abord "des morceaux, des fragments". A 29 ans, son premier manuscrit contient une "composante espionnage" et s'intitule « Passage à l'est (au sud-est)". Puisqu'il ne connaît personne dans le milieu de l'édition, il l'adresse par la poste à quelques maisons. Au Seuil, Jean-Marc Roberts répond d'un petit mot, mais l'affaire en reste là. Les trois romans qu'il termine ensuite au fil des années ne trouveront pas non plus preneur, malgré des signes positifs de Françoise Verny et Jean-Paul Enthoven.

Plus romanesque que les précédents, Hôtel de Lausanne a changé la donne. Thierry Dancourt dit ne pas partir d'une intrigue, plutôt d'un lieu ou d'une ambiance. Il n'a jamais la fin en tête, "presque pas la phrase suivante" ! Chaque jour, il se force à s'asseoir derrière son bureau. Une manière de "discipline" pour "garder le lien" avec son manuscrit, une espèce "de veille intellectuelle pas toujours très productive" ! Il écrit à la main, en écoutant parfois The Divine Comedy ou Dylan. Il peut aller jusqu'à trois versions, avec une tendance à "ajouter plus qu'à couper". Avant de taper à la machine mécanique sur une antique Hermes Media 3 !

Ce fan de Soulages et de Pierre Le-Tan s'intéresse beaucoup à l'architecture, au mobilier, au design, appréciant "l'idée de l'épure et de la simplicité des formes" de l'Art déco. Récemment, il a aimé Du temps qu'on existait de Marien Defalvard ou Hôtel de la solitude de René Laporte que vient d'exhumer Le Dilettante. Son prochain projet pourrait bien être un volume à quatre mains pour la jeunesse, avec une illustratrice qu'il connaît bien, Nathalie Infante, la "présidente" des éditions Marie-Louise. On imagine qu'il y aura des jardins et des hôtels. Des hommes envoûtés par des femmes excentriques et évanescentes.

Les ombres de Marge Finaly, Thierry Dancourt, La Table ronde, 224 p., 17 euros, ISBN : 978-2-7103-6957-8. Sortie : 22 août.

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