Le fait que le Syndicat national de l'édition organise le 8 novembre un débat sur le prêt d'ebooks en bibliothèque, dans le cadre de ses Assises du numérique (1), est révélateur : nul n'ignore que les éditeurs, en particulier les grands groupes, n'ont pas encore trouvé le modèle économique ad hoc et refusent pour le moment de confier leurs fichiers aux bibliothèques. La situation de concurrence entre secteur marchand et service public est claire, mais avec une volonté manifeste de travailler ensemble.
Questionner la légitimité des bibliothèques dans l'accès au livre numérique était donc important face à un parterre composé largement d'éditeurs. Le directeur du service du livre et de la lecture Nicolas Georges s'y est employé méthodiquement, lors de ces Assises. Trois modèles sont possibles selon lui : soit les bibliothèques se limitent à l'univers physique et gardent leur dimension sociale et territoriale, soit elles gèrent de la même manière collections physiques et numériques, soit elles ont un rôle plus actif en devenant le noeud central de l'organisation de l'information. Il a même émis l'hypothèse d'une conjonction entre service public et secteur marchand, les bibliothécaires devenant les promoteurs des ebooks pour leurs amis éditeurs, comme en son temps la radio avait soutenu les éditeurs de musique...
En attendant, le prêt d'ebooks en bibliothèque reste portion congrue, même dans les établissements qui affichent une réelle volonté de développer ce type de services. Dans le réseau de lecture publique de Grenoble, représenté ce jour-là à la tribune par Annie Brigant, 600 titres se battent en duel pour le moment, alors que l'on peut y emprunter plusieurs centaines de milliers de livres papier. Il est vrai que l'équipement des Français - quelque 300 000 liseuses achetées en 2012 - reste très limité. "Mais nous sentons bien depuis quelque temps que nous avons à faire à de nouveaux lecteurs, non pas des curieux de nouvelles technologies, mais des gros lecteurs désireux d'avoir un vrai choix de titres", a précisé Annie Brigant.
A la tribune, les distributeurs numériques (Immatériel, Numilog, Izneo) et le libraire Philippe Touron (Le Divan) ont exposé la manière dont ils travaillaient avec les bibliothèques, tandis que Vincent Marty (Dilicom) présentait son projet Prêt numérique en bibliothèque (PNB), en cours d'élaboration avec éditeurs, libraires et bibliothécaires et le soutien du CNL. Il débouchera sur un prototype au printemps qui devrait faciliter la tâche à chacune des parties dans le respect des relations interprofessionnelles.
(1) Voir Livreshebdo.fr du 8.11.2012.