21 mai > récit France

Vincent Duluc- Photo DR

"Maradona good, Pelé better, George best." C’est une inscription sur un tee-shirt accroché aux grilles du stade d’Old Trafford. Un jour comme les autres du mois de novembre 2005, gris et sans avenir, alors qu’à Belfast comme dans tout le royaume on célèbre les funérailles du plus dissipé de ses enfants terribles, George Best (1946-2005). Un éclair de génie selon ceux pour qui le football sera toujours plus que le football, qui rappelait Garrincha et annonçait Cruyff et dont la légende, ainsi qu’il convient aux héros dandys de la classe ouvrière, excède largement la carrière et le palmarès. Best faisait tout vite. Dribbler les défenseurs adverses, atteindre le sommet de son art (à 25 ans, tout était déjà consommé), se procurer le maximum de numéros de téléphones de tout ce que Londres et Marbella comptaient de chanteuses et d’actrices, en faire le meilleur usage possible pour ce séducteur invétéré, descendre toutes les réserves d’alcools de tous les pubs du Royaume-Uni et finalement, en toute logique, mourir. Vite, il a tout gagné. Plus vite encore, tout perdu. Doué à faire peur, et d’abord pour tout gâcher, George Best n’ignorait rien de ses faillites intimes. Il les affrontait, ivre, fier et droit, le sarcasme au coin des lèvres ("J’ai dépensé tout mon argent dans les voitures, l’alcool et les femmes. Tout le reste, je l’ai gaspillé"). A l’heure du "Swinging London", on le surnommait "le cinquième Beatles". Pour ce qui est de la dissipation de ses dons, il était le premier.

Le cinquième Beatles est donc le titre du livre que le journaliste Vincent Duluc consacre à cet "ange du désastre". Loin de toute hagiographie convenue, le replaçant dans son contexte historique sans rien enlever à son génie singulier, il livre un portrait qui jamais ne retranche à son sujet sa part d’enfance. Duluc a compris que le sport (le jeu des uns, le rêve des autres), c’est l’enfance. Et, parfois aussi, l’enfance de l’art. Seulement, les mots pour le dire, l’écrire, sont ici ceux de la littérature. Il y a du souffle en ces pages, une musique tenue jusqu’au bout, qui n’est pas de virtuosité gratuite. Best a vécu sa vie comme un brouillon ; c’est l’immense mérite de Vincent Duluc de remettre tout ça au propre. O. M.

08.05 2014

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