2020, année de la littérature québécoise ? Depuis la Rentrée littéraire 2019, les auteurs de la province canadienne s'invitent dans les prix littéraires français. Il y a déjà eu des prestigieux précédents avec Dany Laferrière avec un prix Médicis en 2009 pour L’énigme du retour (Grasset) et Kim Thuy avec le Grand Prix RTL-Lire pour Ru (Liana Levi) en 2010. Depuis certains auteurs vétérans se sont imposés.
Le tranquille affligé de Gilles Jobidon (Leméac) a reçu le prix des cinq continents et le prix Arlette Cousture l'an dernier. Il y explore au milieu du XIXe siècle, la vie d’un jésuite défroqué, Jacques Trévier, qui doit ramener en Chine, depuis une île de la mer d'Oman, un maître artisan inventeur d'une teinture noire unique qui aurait le pouvoir magique de régler les multiples maux qui gangrènent l'empire, en pleine guerre de l'opium. Il y découvrira l'amour de sa vie sous les traits d'une femme albinos belle comme une apparition.
Lise Gauvin a été distinguée en 2020 parla grande Médaille de la Francophonie de l’Académie Française, couronnant le rayonnement international d’une œuvre qui aura contribué de façon éminente au maintien et à l’illustration de la langue française.
Enfin Kukum, de Michel Jean (Éditions Libre Expression /Dépaysage) vient d'être récompensé par le prix France / Québec. Kukum relate le destin singulier d'Almanda Siméon, l'arrière-grand-mère de l'auteur, orpheline qui a intégré la communauté des Innus du lac Saint-Jean. Sur un ton intimiste, le livre dévoile la fin du mode de vie traditionnel des peuples nomades du nord-est de l’Amérique, contraints à la sédentarité. Innu de Mashteuiatsh, il est l'auteur de huit livres.
- Chienne de Marie-Pier Lafontaine (Le nouvel Attila) : coup de poing littéraire
Lauréate du prix Sade 2020 avec son autofiction et premier roman, Chienne (Le nouvel Attila), l’étudiante au doctorat en recherche et création littéraire Marie-Pier Lafontaine livre un récit marquant contre les violences qui persiste envers les femmes et qui se manifeste d’abord à l’enfance, au sein de la famille. Paru l'an dernier au Québec chez Héliotrope, le roman est disponible en France chez le Nouvel Attila depuis début septembre.
Au cœur d’une période ou la libération de la parole des femmes sur les violences est de plus en plus présente, l’auteure, née en 1988, a travaillé pendant 18 mois sur son premier roman. Fort d’intensité, l'œuvre est marquée par la violence. "Quand on met de la violence dans la littérature, on dit aux gens : je veux que vous soyez contaminés, que vous réagissiez (...) Moi, je l’ai vécue toute ma vie, cette violence-là. Vous, vous la lisez. Vous pouvez bien la subir pendant quelques pages…" explique t-elle dans un entretien à La Presse.
Chienne raconte l’histoire d’un homme, qui soumet ses deux filles aux coups, aux insultes et aux humiliations durant toute leur enfance et leur adolescence, sous le regard silencieux de leur mère, persuadée qu'il n'y a aucun viol. La narratrice raconte comment elle s'est reconstruite, reprenant confiance en elle grâce à la littérature.
- Ténèbre de Paul Kawczak (La Peuplade) : Un voyage au Congo oppressant
Auteur d’un recueil de poésie en prose remarqué, Paul Kawczak séduit lui aussi les critiques avec Ténèbre (La Peuplade), un premier roman distingué par le prix des lecteurs L’Express / BFMTV, le prix littéraire de Trouville et le prix du roman au salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il est en lice pour le prix littéraire des Cinq continents de la francophonie.
Né à Besançon en 1986, l’éditeur vit aujourd’hui au Québec. L’auteur a réussi son entrée dans la littérature dès son premier essai. Son recueil de poésie, Un Long soir (La Peuplade), avait déjà séduit les lecteurs.
Ténèbre relate le parcours de Pierre Claes, géomètre belge mandaté par le roi qui mène une expédition en Afrique pour matérialiser les limites des terres civilisées. Au cours de son voyage, il remonte le fleuve Congo en compagnie de travailleurs bantous et de Xi Xiao, maître tatoueur chinois et bourreau spécialisé dans l'art de la découpe humaine. Durant son parcours, le héros va deviner les atrocités de la colonisation. Ténèbre sortira en format poche chez J'ai lu en 2021.
- Good Boy, d’Antoine Charbonneau (Arthaud) : La jeunesse face au désir
Déjà lauréat du prestigieux prix Robert-Cliche pour Coco, son premier roman (VLB, 2016), Antoine Charbonneau revient avec un nouveau roman, Good Boy, lauréat du Prix du roman gay 2020.
L’ouvrage, paru chez Arthaud, est un roman d’apprentissage "cru, candide et poétique est celui des rêves d’une génération confrontée au sexe, au désir et à l’amour dans l’anonymat d’une grande métropole."
Il raconte l’histoire d’un étudiant, originaire d’une lointaine province québécoise, qui arrive dans une grande ville et croit y découvrir qui il est vraiment.
Né en 1994 à Rouyn-Noranda au Québec, Antoine Charbonneau-Demers est diplômé du conservatoire d’art dramatique de Montréal. Il est également lauréat du prix du Jeune Écrivain du Salon du Livre de Paris en 2019 pour sa nouvelle La Femme à refaire le monde.
- La trajectoire des confettis, de Marie-Eve Thuot (Les Herbes Rouges/Éditions du sous-sol) : la fin des normes sociales
Elle a frappé dans l'œil Frédéric Beigbeder qui en a fait son coup de cœur de la rentrée littéraire au "Masque et la plume". Marie-Eve Thuot a été remarquée avec son étonnant roman La Trajectoire des confettis. (Les Herbes Rouges/Éditions du sous-sol). Ce premier roman a été sélectionné pour le prix de Flore et pour le prix Médicis.
Il raconte l’histoire de plusieurs personnages coincés par les normes sociales, à des époques et des lieux différents. Parmi eux, il y a un barman montréalais qui a fait voeu de chasteté, un adolescent qui tombe amoureux de sa tante et un pasteur qui récite des passages grivois de la Bible à ses fidèles.
Marie-Eve Thuot, née en 1980, est originaire de Saint-Jean-sur-Richelieu. La jeune femme fait des études en Lettres puis en Musique. Elle finit par étudier la composition musicale avant d’obtenir une maîtrise en musicologie. Comme Kevin Lambert, elle est sous la direction de Catherine Mavrikakis pour un doctorat en littérature comparée.
- Querelle de Kevin Lambert (Le nouvel Attila) : La sexualité et le conflit social
Dès la rentrée littéraire de 2019, les auteurs québécois séduisent déjà les prix littéraires. Début Septembre, le jury du Prix Sade a attribué à la majorité sa récompense à Querelle: fiction syndicale de Kévin Lambert (Le Nouvel Attila). Il avait été sélectionné au prix Wepler, au Médicis et avait terminé parmi les livres favoris de l'année de la rédaction du Monde.
Pour son second roman, l’auteur originaire de Chicoutimi, place sa fiction dans un conflit à Roberval dans la région québécoise du Saguenay, où un jeune homme du nom de Querelle, venant de Montréal, va troubler cette communauté en voie d'éclatement. Le livre explore le déclassement et les drames humains dans les communautés.
Kevin Lambert est diplômé de l'Université de Montréal avec une maîtrise en création littéraire où il poursuit actuellement son doctorat en création littéraire sous la direction de Catherine Mavrikakis. Il est aussi auteur d’un premier roman, Tu aimeras ce que tu as tué aux éditions Héliotrope. Très impliqué sur la scène littéraire canadienne, il contribue régulièrement aux revues Moebius et Spirale et a été libraire dans la librairie Port de tête de Montréal.
- Les Ecrivements, de Matthieu Simard (Alto) : un trou de mémoire
Le prix France-Québec, réunissant la Fédération France-Québec / francophonie, est un bon indicateur pour repérer les talents. En 2019, le québécois Matthieu Simard l'a remporté avec Les Ecrivements paru chez Alto en 2018.
Il suit le personnage de Jeanne, une jeune femme, qui part à la recherche de son ancien ami Suzor. Ce dernier est parti un soir de décembre 1976. Pendant quarante ans, elle s'est promis de ne jamais le chercher, mais lorsqu'elle apprend qu'il est atteint d'alzheimer, sa promesse ne tient plus : elle doit retrouver Suzor avant qu'il oublie. Dans un Montréal enneigé, aidée par une jeune complice improbable, Jeanne retrace le chemin parcouru par le disparu et devra, pour ce faire, revisiter leur passé. Il y explore les caprices de la mémoire et sur ces choses qu’on oublie sans le vouloir.
C'est le sixième roman signé de Matthieu Simard, né en 1974. En 2019, il a publié Une fille pas trop poussiéreuse chez Stanké. Llouis qui tombe tout seul (Stanké, 2006) lui avait valu une nomination au Grand Prix littéraire Archambault. Le premier tome de sa série pour adolescents Pavel (La courte échelle, 2008-2009) a été finaliste au Prix littéraire du Gouverneur général en 2009.
- Les villes de Papier, Dominique Fortier (Alto / Grasset) : Une oeuvre singulière
Dominique Fortier, dans la lignée d’Anne Hébert, Gabrielle Roy et Marie-Claire Blais, s’illustre cette rentrée avec des sélections au Renaudot et au Fémina pour son dernier roman Les villes de papier; une vie d'Emily Dickinson. Il était aussi finaliste du prix des libraires du Québec et du Prix Hennessy du Livre dont la littérature est l’héroïne.
Son cinquième roman retrace la vie de la poète américaine Emily Dickinson. On y découvre des moments de vie de la figure de la littérature américaine. L’auteure écrit un roman, qui nous offre une réflexion sur les mondes qui nous construisent.
Dominique Fortier, née en 1972 à Québec, a longtemps été traductrice avant de se lancer dans l'écriture. Son premier roman, Du bon usage des étoiles (Alto/La Table ronde), a obtenu le prix Gens de mer du festival Étonnants Voyageurs de Saint-Malo, et son quatrième roman Au péril de la mer (Alto, Les Escales) été couronné par le Prix littéraire du Gouverneur général en 2016.